L’autonomie ou pas du Sahara occidental est devenu la variable d’ajustement des diplomaties marocaine et algérienne ; les liens avec les autres pays se font et se défont à partir du positionnement sur cet épineux dossier. Par exemple entre l’Algérie et la France les choses sont allées très vite, dans la mauvaise direction, dès que Paris a officiellement basculé en faveur de la souveraineté totale du Maroc sur le Sahara occidental. Est-ce qu’Alger et la Mauritanie filent droit vers un conflit de cette nature, avec la même radicalité ?
La question mérite d’être posée après la circulaire pondue par le ministère mauritanien de l’Intérieur. Le document officialise l’ouverture par Rabat et Nouakchott d’un nouveau poste frontière terrestre. Cela ne plaira pas du tout aux indépendantistes du Front Polisario pour qui cet acte est une forme de reconnaissance par la Mauritanie de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental…
Et si ça ne plait pas aux séparatistes sahraouis forcément ça ne plaira pas à leur premier soutien, l’Algérie. Pour ceux qui en doutent il faut voir la réaction musclée des autorités algériennes après la visite haute en couleurs de la ministre française de la Culture, Rachida Dati, sur ces territoires litigieux.
Le Maroc, qui a perdu la face dernièrement lors des élections à l’Union africaine, a cette fois manoeuvré habilement en ralliant à sa cause les pays du Sahel. Rabat est en terrain conquis au Mali et dans les autres pays de l’Alliance du Sahel, même si Alger a de solides liens avec le Niger. Mais voilà : le Maroc leur offre la porte dont ces pays enclavés ont toujours rêvé, un accès direct à l’Atlantique. Pour ces pays cette nouvelle route et ses promesses valent bien une fâcherie avec les Algériens.
Depuis 1994, date de la fermeture officielle des frontières avec l’Algérie, le Maroc n’avait plus de frontière terrestre débouchant sur l’Est, les choses vont changer dès cette année. Ce projet défendu par le roi Mohammed VI est dénommé «Initiative Atlantique» et il se dit que le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad ont embarqué dans le train de Rabat. Le Maroc a presque finalisé les 93 km de route supplémentaires pour faire la jonction entre Smara et le nouveau poste frontière. La Mauritanie fera sa part en rallongeant de quelques kilomètres la RN1 au niveau de Bir Moghrein.
A noter que Bir Moghrein – ex-Fort Trinquet – est niché à quelques centaines de kilomètres au sud de la frontière algérienne et des camps de Tindouf, le fief du Front Polisario. Les séparatistes ont menacé de prendre les armes contre la Mauritanie si elle ouvre cette frontière. Rappelons qu’en 2020 les combattants du Polisario avaient assailli la zone tampon du principal poste frontière maroco-mauritanien à Guerguerat, les affrontements avaient fait beaucoup de victimes dans les rangs des Sahraouis.
C’est dire que Nouakchott manipule un dossier hautement explosif en prenant cette décision historique. On sait que les relations avec l’Algérie sont orageuses à certains égards, mais on sait aussi que les deux pays ont de solides liens, qui datent et que le président Abdelmadjid Tebboune a manifesté sa volonté d’aller beaucoup plus loin. Alors pourquoi la Mauritanie a décidé de basculer dans le camp marocain alors que sa position médiane était idéale ?
On sait ce que le Maroc a à gagner dans ce coup de force diplomatique, mais pour les Mauritaniens ça reste encore un mystère (de gros investissements marocains en vue, des méga projets ?). De toute évidence Nouakchott a pris un sacré risque en basculant de la sorte. On verra si le jeu en vaut vraiment la chandelle…
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