Le couperet de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui s’est abattu sur les accords agricoles et de pêche entre le Maroc et l’UE, fait encore des vagues. Rabat s’en est lavé les mains en arguant que cette affaire est celle du Sahara occidental et de l’UE, et que le royaume n’est en rien mêlé à ce dossier – non sans quelques menaces à peine voilées en direction des partenaires européens, à bons entendeurs… Ce que le Maroc ne peut pas dire publiquement, pour que son honneur diplomatique soit sauf, c’est l’eurodéputé du Rassemblement national (RN, extrême droite) Thierry Mariani qui s’en charge, en véritable ami du Royaume… Du moins c’est ce que laisse entendre “l’interview exclusive” qu’il a accordée au site d’information “Le360”.
Qu’est-ce qui se cache derrière le coup de main de Mariani?
Mariani, membre du groupe Patriotes pour l’Europe, conduit par le président du RN Jordan Bardella, a copieusement commenté la décision de la CJUE. Mieux : il a indiqué les voies et moyens pour sortir par le haut de cette impasse juridique. Le député européen apporte ses lumières au nom du sauvetage du partenariat stratégique entre l’UE et le Maroc.
Le 4 octobre 2024, date à laquelle la CJUE a sabré les accords entre l’UE et le Maroc, l’exaltation des indépendantistes du Front Polisario et de leur premier soutien, l’Algérie, a étouffé les cris d’indignation poussés par l’élu d’extrême droite. Pourtant Mariani y était allé frontalement en postant immédiatement sur X que «tout le monde a compris que le Sahara occidental est marocain… sauf la Cour de Justice de l’UE»…
Mariani a été l’un des tout premier à commenter la décision de la Cour européenne, à peine quelques heures après le verdict il avait manifesté son profond désaccord. Un activisme et un volontarisme plus que suspects. Je dis ça parce que l’homme est connu pour ses accointances avec des régimes infréquentables, un intérêt qui n’est pas du tout désintéressé. On y reviendra après.
Quelques jours après sa “saillie” écrite sur les réseaux sociaux Mariani revient à la charge avec une vidéo cette fois-ci, postée sur le même support. Là aussi il a évoqué le jugement rendu par la CJUE, un «coup dur à un partenariat essentiel pour la sécurité de l’UE et un signe de mépris pour un partenaire stratégique (…). Pour l’UE, qui rêve de voir disparaître les grandes nations européennes, cette décision relègue le principe sacré de l’unité nationale marocaine au second plan».
Il est allé jusqu’à qualifier cette décision judiciaire de «triste jour pour l’Europe (…). L’ambassade d’Algérie est en fête et ses exécutants du Front Polisario sont confortés dans leur séparatisme (…). Cette décision qui semple prendre l’unique parti des revendications séparatistes du Polisario, un mouvement lié aux islamistes radicaux du Sahel (…). Le Rassemblement national continuera de soutenir l’intégrité des nations, c’est-à-dire l’intégrité nationale du Maroc face à des revendications séparatistes encouragées depuis l’étranger», a asséné le camarade de Marine Le Pen et de Bardella.
Pour ceux qui le souhaitent ils peuvent aller consulter l’intégralité de cet entretien sur le site marocain. Reste maintenant à savoir si ce soutien énigmatique à bien des égards que Mariani apporte à la marocanité du Sahara occidental fait les affaires du royaume. Pour avoir une partie de la réponse il faut jeter un oeil sur le pedigree et le parcours sinueux de l’eurodéputé de l’extrême droite…
Poutine, Bachar al-Assad et maintenant le roi du Maroc
Mariani n’a rejoint le RN qu’en 2019, avant cela il était dans les rangs de la droite, d’abord le RPR (Rassemblement pour la République) du temps de feu le président Jacques Chirac. Ensuite Nicolas Sarkozy a rebaptisé le RPR, qui est devenu l’UMP (Union pour un mouvement populaire) et plus tard LR (Les Républicains). Jusqu’ici Mariani est resté fidèle à la droite, il a même été ministre – des Transports – dans le gouvernement de François Fillon.
Mais voilà, il a commencé à nourrir l’idée que la droite n’est pas assez à droite et qu’il faille absolument migrer vers les postures extrêmes des Le Pen. LR n’ont pas obtempéré, enfin pas officiellement, alors Mariani a pris la décision de quitter sa famille politique pour rejoindre le camp du RN. Là il a trouvé le terreau qui sied à sa vision de la géopolitique. Elu eurodéputé il entame une série de voyages à l’étranger, notamment en Crimée, annexée par la Russie en 2014 ; en Syrie, le terrain de jeu du président Vladimir Poutine…
Le moins qu’on puisse dire est que l’homme a une inclination pour les Etats qui sont tout sauf démocratiques. Ses déplacements ont fini par éveiller la curiosité de ses pairs européens, les accusations de lobbying pour des puissances étrangères ont vite fusé.
Depuis 2021 Mariani est sur une “liste noire” du Parlement européen, soupçonné d’avoir bénéficié de voyages luxueux en Crimée et au Kazakhstan en échange de la rédaction de rapports élogieux auprès de l’UE. Les périples de l’eurodéputé sentent le souffre, au point qu’il lui est interdit de prendre part à des missions d’observation à l’étranger jusqu’à la fin de son premier mandat…
Pour finir le parlementaire européen est sous le coup de deux enquêtes préliminaires de l’Office central de lutte contre la corruption. C’est à cet homme que “Le360” a tendu le micro pour défendre le royaume face au Polisario, à Alger, à la Cour de justice de l’UE. Je ne suis pas certain que la tribune de Mariani rende service au Maroc. Le journal marocain aurait pu trouver un meilleur Ambassadeur pour son pays, très honnêtement.
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