Paris et Alger ferment une page demain dimanche 6 avril et en tournent une autre, après des mois de passes d’armes. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sera en Algérie, un voyage qu’il avait proposé dès le 15 janvier dernier pour aplanir les difficultés entre les deux partenaires historiques. La dernière discussion entre le président Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune a permis de dégeler la situation….
Barrot veut “se saisir” de la fenêtre diplomatique ouverte “pour obtenir des résultats” sur les dossiers migratoire, judiciaire, sécuritaire et économique. “L’appel qui a eu lieu entre les deux présidents lundi dernier a ouvert un espace diplomatique en vue de la résolution (de cette crise). Cet espace, nous allons nous en saisir parce que c’est l’intérêt de la France et des Français que de pouvoir obtenir des résultats en matière de coopération migratoire, de coopération judiciaire, de coopération sécuritaire, de coopération économique“, a déclaré le chef de la diplomatie française.
Les contours ayant été posés “sur chacun de ces sujets“, “il nous appartient désormais de les mettre en œuvre, de les opérationnaliser” et “ce sera l’objet de ma visite à Alger dimanche prochain“, avait-il indiqué mercredi dernier. Bon, il sait qu’il ne vient pas avec une recette miracle et que quelques heures ne suffiront pas pour abattre la montagne de difficultés qui se sont amoncelées, mais l’essentiel est d’être dans des dispositions propices au dialogue. Il faut bien commencer quelque part pour se donner une chance de sortir par le haut de la brouille diplomatique.
Selon TF1 Info, pour Paris un des dossier prioritaires est sans doute le retour sur le sol algérien des ressortissants frappés d’OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Alger opposera très certainement à Barrot qu’il faut réserver cette sanction ultime aux cas extrêmes et qu’il n’est pas question d’expulser tous les quatre matins pour des délits mineurs. Le ministre français, toujours selon la même source, pourrait aussi mettre sur la table le retour d’un ambassadeur algérien à Paris, poste vacant depuis le 30 juillet 2024, date à laquelle Macron a décidé de reconnaitre la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Il sera aussi question à Alger du voyage de Tebboune en France, une affaire qui végète depuis décembre 2022. Le président algérien l’avait lui-même annoncé, la visite avait été fixée après le Ramadan 2024, afin d’avancer résolument sur 5 contentieux lourds. Mais des tas de facteurs ont plombé ce déplacement. Macron, qui a estimé qu’il avait assez attendu, a alors fait mouvement vers Rabat. Et depuis la tension est montée crescendo, jusqu’au coup de fil de lundi dernier. On nous dit également que Macron pourrait débarquer à Alger prochainement, après sa visite historique en août 2022.
Le dossier le plus épineux du moment est sans doute la condamnation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Paris conteste toujours le bien-fondé de son incarcération mais le Quai d’Orsay a averti qu’il ne faut pas s’attendre à un développement spectaculaire dès demain dimanche. Comprenez par là que la France ne tient pas à compromettre le rapprochement avec l’Algérie en la bousculant sur ce dossier ultra sensible. En d’autres mots Macron et Barrot éviteront les sentiers dangereux du ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau…
Alger prendra son temps pour ne pas donner l’impression qu’il recule face aux menaces de ce dernier, qui a promis la foudre si Sansal n’est pas rapidement libéré.
D’autres visites ministérielles auront lieu “prochainement“, a fait savoir Barrot. Le ministre de la Justice Gérald Darmanin sera à Alger, la terre de ses aïeuls (il y était en 2020, en tant que ministre de l’Intérieur), pour débloquer la coopération judiciaire. Mais il est très peu probable que Retailleau y mette les pieds, après tout ce qu’il a fait et dit sur l’Algérie et les Algériens. Reste à savoir comment le Premier flic de France et la cheffe de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, accueilleraient Tebboune à Paris…
Mme Le Pen dispute à Retailleau le statut de premier ennemi de l’Algérie, une posture dont elle a hérité de son papa feu Jean-Marie Le Pen, qui a fait les horreurs que l’on sait durant la guerre d’indépendance. La dame profiterait bien de la venue de Tebboune pour se requinquer politiquement après sa sévère condamnation pour détournements de fonds européens et les 5 ans d’inéligibilité qui vont avec.
Quant à Retailleau, il piétine ostensiblement toutes les lignes rouges que lui fixe le chef de l’Etat, au nom de son agenda personnel pour l’élection présidentielle de 2027. Mais ce 6 avril il sera obligé de rester tranquille, dans son coin. Il n’est plus le maître du jeu tant que les diplomates occupent l’espace. Il devra appuyer sur le frein, peut-être pour toujours si Paris et Alger trouvent les bons réglages.
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