L’amendement de l’article 411 du code de commerce tunisien sur les chèques en Tunisie, censé entrer en vigueur le 2 février 2025, soulève de sérieuses inquiétudes quant à son impact socio-économique.
Loin d’être la solution miracle attendue, cette réforme pourrait en réalité plonger des millions de Tunisiens dans une situation financière difficile.
Un coup pour l’économie de la débrouille
La pratique des chèques postdatés est profondément ancrée dans l’économie tunisienne. Elle permet à de nombreux ménages de faire face à leurs dépenses quotidiennes et exceptionnelles. Jeunes couples achetant leur équipement ménager, parents finançant les études de leurs enfants, ouvriers s’approvisionnant chez l’épicier du coin : tous comptent sur ce système de paiement différé pour joindre les deux bouts.
La fin de cette pratique risque de paralyser de nombreux secteurs économiques. Les commerces d’électroménager et de meubles, qui fondent leur modèle économique sur la vente à crédit, pourraient être les premiers touchés. La faillite de ces entreprises aurait des répercussions en cascade sur leurs employés, leurs fournisseurs et l’ensemble de la chaîne de valeur.
Un casse-tête pour les entreprises et les banques
Les PME et grands groupes qui détiennent des stocks importants de chèques de garantie se retrouvent dans une situation inextricable. Que faire de ces chèques qui deviendront caducs le 2 février 2025 ? Les présenter à l’encaissement au risque d’envoyer leurs clients en prison ? Ou renoncer à ces paiements au risque de mettre la clé sous la porte ?
Cet amendement soulève également des questions quant à sa mise en œuvre pratique. L’obligation faite aux banques de consacrer 5% de leurs bénéfices à des crédits sans intérêt ni garantie semble contradictoire avec les récentes poursuites contre des banquiers ayant accordé des prêts sans garantie. De plus, le délai de six mois pour harmoniser les systèmes d’information bancaires paraît irréaliste.
Un risque d’exclusion financière
Cette réforme pourrait paradoxalement aggraver la situation des plus vulnérables. Les personnes disposant de faibles ressources, qui jonglent actuellement avec les chèques postdatés pour assurer un minimum de confort à leur famille, risquent de se voir privées de tout accès au crédit.
L’adoption de cet amendement soulève des interrogations sur la viabilité des PME et d’autres acteurs économiques tunisiens et ne peut que susciter l’inquiétude quant à la capacité du pays à relancer son économie.
Si l’intention de moraliser les pratiques financières est louable, la méthode choisie semble dangereusement déconnectée des réalités socio-économiques du pays. À moins d’un ajustement rapide, le 2 février 2025 pourrait bien marquer le début d’une crise économique majeure en Tunisie.
Laissez un commentaire