Dis-moi ce que tu manges

Dis-moi ce que tu manges: Chez Iskander et Sirine, un ramadan familial placé sous le signe de l’espoir

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Tunisie Numérique s’est penchée sur les habitudes alimentaires des ménages tunisiens qui ont bien voulu partager avec nos journalistes, dans les régions, leurs modes de consommation.

L’initiative, intitulée ‘‘Dis-moi ce que tu manges’’, vise à dépeindre avec authenticité et sans préjugés la manière dont les familles tunisiennes gèrent leur budget alimentaire en période de crise.

Dans un élan de générosité et de transparence, les familles participantes, issues de divers horizons géographiques et socio-économiques de la Tunisie, ont volontairement accepté de révéler les coulisses de leur organisation domestique. Elles ont ouvert les portes de leurs garde-manger et réfrigérateurs, nous permettant ainsi d’observer de près les choix et les sacrifices qu’elles font au quotidien pour nourrir leurs proches.

Dans l’un des quartiers populaires de Sidi Jedidi, dans la délégation de Hammamet, vivent Iskander 53 ans, son épouse Sirine 40 ans et leur fils Jaouher (11 ans) dans un modeste appartement, mais rempli de vie.

Un foyer en pleine effervescence avec l’arrivée du Ramadan

Avec l’arrivée du Ramadan, tout change dans ce petit foyer: les horaires de travail, les habitudes alimentaires et même les sources de revenus.

En temps normal, Sirine gère un petit projet où elle propose des sandwiches et des plats rapides. Mais durant le mois sacré, son commerce se transforme en un point de vente spécialisé dans la salade grillée et la harissa traditionnelle, deux plats incontournables des tables de l’iftar tunisien.

Quant à Iskander, employé dans un hôtel touristique, il doit jongler entre un travail plus exigeant et les courses du quotidien. De son côté, Jaouher tente d’équilibrer l’école et son premier jeûne partiel cette année, tandis que ses parents sont absorbés par leurs responsabilités.

Le matin: Le début d’une longue journée pleine de défis

Sirine: Les responsabilités de l’épouse, entre le foyer et son projet

Avant l’appel à l’aube, Sirine se lève pour préparer le sahur. À peine a-t-elle le temps de se reposer un peu qu’elle se réveille à nouveau pour préparer le petit-déjeuner de Jaouher avant son départ à l’école.

Elle veille à lui offrir un repas nutritif, souvent composé de pain d’orge, d’huile d’olive et d’un verre de lait ou de yaourt.

Dès que Jaouher part, elle se précipite vers sa boutique pour commencer la préparation de la salade grillée et de la harissa de manière artisanale. Elle allume le feu, fait griller les poivrons, tomates, ail et oignons sur la braise, puis les écrase à la main avant d’ajouter l’huile d’olive et les épices traditionnelles. Dès le matin, les clients affluent pour réserver leurs commandes, le Ramadan faisant grimper la demande de jour en jour.

Iskander: entre pression au travail et courses divers

Iskander commence sa journée à l’hôtel, où il travaille comme aide-cuisinier. Ses tâches incluent la préparation des ingrédients, l’assistance aux chefs, le nettoyage des ustensiles et l’organisation du matériel pour garantir une cuisine propre et efficace.

À la fin de son service, il ne rentre pas immédiatement chez lui, mais passe par le marché municipal ou les épiceries locales pour acheter les provisions nécessaires. Avec l’inflation galopante, il essaie de jongler entre un budget serré et des prix en constante augmentation.

L’après-midi: Un déjeuner simple pour Jaouher et un court répit avant les préparatifs

Lorsque Jaouher rentre de l’école, un déjeuner simple l’attend, mais il préfère souvent sauter ce repas pour se préparer au jeûne l’année prochaine, malgré les conseils de ses parents qui lui recommandent de ne pas trop se priver.

Les jours où il mange, son repas est souvent composé des restes de l’iftar de la veille, comme du couscous à la viande ou du riz au poulet, accompagné de salade en petite quantité.

Après le repas, il se repose un peu avant de faire ses devoirs. Pendant ce temps, Sirine essaie de récupérer quelques minutes de sommeil avant de retourner à sa boutique, située tout près de la maison, pour finaliser les préparatifs de la soirée.

Les préparatifs de la soirée: Une course contre la montre

Iskander: Retour à la maison et coup de main à la cuisine

À l’approche de l’iftar, Iskander rentre enfin chez lui, pose les courses en cuisine et commence à aider Sirine dans la gestion des commandes. Parfois, il émince les poivrons ou prépare les contenants pour la salade grillée et la harissa, pendant que Sirine termine la préparation du dîner.

Jaouher: contribution à l’ambiance ramadanesque

Bien qu’encore jeune, Jaouher essaie d’aider à sa manière. Il s’occupe de dresser la table, de verser le lait et attend avec impatience l’illumination du minaret, signalant la rupture du jeûne.

L’iftar: La simplicité dans un contexte de flambée des prix

Dès l’annonce de l’iftar, la famille se réunit autour d’un repas simple mais équilibré :

  • Dattes et lait pour commencer en douceur
  • Soupe d’orge sur demande d’Iskander
  • Salade grillée, à la fois un plat incontournable et une source de revenu
  • Un plat principal qui varie : couscous au poulet, riz, tajine ou brick
  • Pain d’orge en remplacement du pain blanc
  • Fruits de saison en dessert, à défaut de pâtisseries traditionnelles comme la zlabia ou les makroud

Après l’iftar: Entre travail et préparation du lendemain

Iskander et Sirine : Planifier le jour suivant

Après le repas, la famille profite d’un moment devant la télévision, mais pas pour longtemps. Sirine retourne à sa boutique pour faire les comptes et préparer quelques ingrédients pour le lendemain, en moins d’une heure.

De son côté, Iskander revérifie les dépenses du jour, tentant de prévoir la gestion du budget pour les prochains jours.

Jaouher: entre études et détente

Le soir, Jaouher fait ses devoirs mais prend aussi plaisir à regarder des séries ramadanesques avec ses parents, un rituel qui réunit toute la famille.

Défis et ambitions: Entre présent et futur

Sirine : “Il faut être raisonnables”

Avec la flambée des prix, Sirine est devenue plus prudente dans ses dépenses. Elle répète souvent :
“Avant, on achetait sans trop compter. Maintenant, chaque dinar compte. Il faut apprendre à gérer et éviter le gaspillage.”

Elle n’envisage pas d’abandonner son projet de salade grillée et harissa après le Ramadan. Son rêve est de le transformer en commerce permanent qui viendrait compléter son projet au lieu d’être une activité saisonnière.

Iskander : “La solution, c’est plus de revenus”

Pour lui, économiser ne suffit pas. Il veut augmenter les revenus et réfléchit à quitter son emploi à l’hôtel pour lancer sa propre petite entreprise de conditionnement d’épices et de condiments, en parallèle avec la vente de salade grillée et de harissa.

Jaouher: un rêve encore lointain

Trop jeune pour se soucier de finances et de projets, Jaouher ressent néanmoins le stress de ses parents. Il espère un jour pouvoir les aider, en réussissant ses études et en réalisant son rêve de devenir chirurgien.

Un Ramadan porteur d’espoir

Au final, Iskander et Sirine comprennent que Ramadan n’est pas qu’un mois de jeûne et de cuisine, mais une période de réflexion sur la vie, l’économie et l’avenir.

Au milieu des difficultés, ils s’accrochent à leurs rêves, convaincus que l’espoir reste possible, même dans les moments les plus difficiles.

“Aujourd’hui, on patiente. Demain sera meilleur, Incha’Allah.”

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