C’est l’homme de tous les compromis – certains diront de toutes les compromissions -, prêt à vendre tout ce qu’il peut pour sortir son pays de l’ornière, même s’il faut pour cela pactiser avec ses ennemis d’hier. Nous parlons du président turc, Recep Tayyip Erdogan. On l’a vu avec les Wahhabites des pays du Golfe, on l’a vu aussi avec Israël, avec qui il refuse de divorcer totalement en dépit des horreurs qu’il lui reproche. On le voit actuellement avec la Syrie. De l’aveu même du président américain élu Donald Trump – il sait ce qu’il dit – Ankara était à la manoeuvre pour faire tomber en un temps record le président syrien Bachar al-Assad. Celui-là même qui fermait les yeux quand l’armée turque traversait la frontière pour aller massacrer des Kurdes. Erdogan a encore mieux : le “cash money” des Européens…
L’Union européenne (UE) avait promis dès la chute du dictateur syrien qu’elle allait dépenser pour requinquer la Syrie ; les Européens comme les Américains et les Qataris sont disposés à parier sur les nouveaux maîtres de Damas. Tout le monde a envie d’y croire. C’est toujours le cas quand un sanguinaire de la trempe d’al-Assad est déboulonné. La “générosité” de l’UE commencera par la Turquie – on verra plus tard avec Hayat Tahrir al-Cham (HTC) -, qui abrite près de 3 millions de réfugiés syriens. Pour aider Erdogan à porter cette charge un premier chèque de 1 milliard d’euros a été signé.
La présidente de la Commission européenne (CE), Ursula von der Leyen, était hier mardi 17 décembre à Ankara et y a rencontré l’incontournable président turc, dont le bras va jusqu’en Russie, en Ukraine, au Moyen-Orient, en Afrique, etc. Les 3 millions de Syriens sur le sol turc ne rentreront pas chez eux dans un même élan, ils ont le temps de voir venir et puis il faut que les nouvelles autorités syriennes s’organisent pour les recevoir…
En attendant l’argent des Européens financera en Turquie des programmes éducatifs et de santé publique en direction des réfugiés syriens. Il est aussi question, a déclaré Mme von der Leyen, de subventionner la gestion de la migration, des frontières et de préparer le retour progressif en Syrie des exilés.
«La chute du régime Assad donne de l’espoir au peuple syrien. L’espoir de rentrer chez eux et de reconstruire leur vie. C’est le sentiment le plus naturel qui soit. Cependant, le manque de prévisibilité exige la plus grande prudence, a affirmé Ursula von der Leyen. Une chose est donc très claire : tous les retours doivent être volontaires, sûrs et dignes. Nous travaillons avec le HCR pour nous assurer que les conditions nécessaires sont remplies», a déclaré la présidente de la CE.
Rappelons que depuis 2011 l’UE a fait 2 versements de 3 milliards d’euros chacun pour qu’Ankara garde sur son sol les réfugiés syriens ; d’autres enveloppes ont suivi et globalement la Turquie a encaissé quelque 10 milliards d’euros. Le moins qu’on puisse dire est que l’accueil des déshérités syriens n’est pas complètement désintéressé. A ajouter aux dividendes de la fuite d’al-Assad, en premier la manne de la reconstruction du pays. Les Turcs, dont on connait le savoir-faire en la matière, ont une belle carte à jouer. Erdogan gagne à tous les coups.
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