Economie

Evasion fiscale en Tunisie – 70% des patentés payent en moyenne 100 dinars d’impôts par an…

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Une réunion a été tenue récemment entre la Cheffe du gouvernement Najla Bouden et le Président de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT) Walid Ben Salah où a été discutée particulièrement la situation économique et des finances publiques en Tunisie.

A cette occasion, le Président de l’OECT qui a exprimé la détermination de la profession à contribuer activement au redressement et à la relance économique du pays a présenté une note intitulée « Réforme Fiscale et Promotion de l’Investissement » comportant 60 recommandations qui s’articulent autour de différents axes à savoir l’allègement et la simplification des textes et des procédures, lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et le renforcement du contrôle et l’amélioration du climat des affaires et promotion de l’investissement.

Selon la note de l’OECT, le taux de pression fiscale s’établit à 25,4% en 2020. Par ailleurs, le taux de pression des prélèvements obligatoires, calculé en tenant compte notamment des prélèvements obligatoires au titre de la sécurité sociale et de fiscalité locale, est estimé à 32,5%.

Outre le fait qu’il s’agit d’une pression élevée, indique la note de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie, comparativement à d’autres économies similaires à la Tunisie, au niveau du PIB par habitant et au niveau du pouvoir d’achat, elle comporte au moins trois inconvénients majeurs :

• La pression fiscale est en perpétuelle hausse depuis 2016 et elle suit la même courbe ascendante que l’endettement public qui a plus que doublé depuis 2010 passant de 41% à quasiment 100% en 2021, alors que l’augmentation de la pression fiscale est sensée atténuer le recours à la dette ;

• Elle est mal affectée. Au fait, le budget des investissements directs représente à peine 1/8 des recettes fiscales. Donc, cette pression, aussi élevée soit-elle, ne permet pas de contribuer à l’amélioration du vécu du citoyen tunisien en termes d’infrastructures modernes et des services publics de qualité (éducation, santé, transport, culture, etc.) ;

• Et elle est mal répartie et source d’iniquité fiscale et de frustration sociale. En effet, elle est supportée principalement par les « bons contribuables » et limite l’accumulation des capitaux dans l’économie formelle en faveur de l’informel qui a une pression fiscale très faible voir quasi nulle. Cette situation de concurrence déloyale constitue une véritable menace pour la pérennité des opérateurs de l’économie formelle, d’une part, et une incitation à la fraude et l’évasion fiscale, d’autre part, surtout sous le règne d’un sentiment d’impunité généralisé.

On note ainsi, que les mesures fiscales qui peuvent contribuer à lutter contre le fléau la fraude et l’évasion fiscale doivent être combinées non seulement avec l’amélioration et le développement des mécanismes de contrôle mais également accompagnées par d’autres actions telles que la reconfiguration du rôle de la police fiscale et sa généralisation sur tout le territoire, la réorganisation des différentes structures de contrôle et la simplification des processus et leur digitalisation.

Il a été rapporté que d’après une étude réalisée par l’Association des Économistes Tunisiens (ASECTU) en 2017, une personne physique patentée sur deux est en défaut de déclaration. Ce taux est de 46% pour les personnes morales. 70% des personnes physiques patentées bénéficient du régime forfaitaire et ne contribuent au budget de l’Etat qu’à hauteur de 42 millions de dinars environ, soit une centaine de dinars par personne par an. Parmi cette population, sont décomptés des milliers de faux forfaitaires qui bénéficient indument de ce régime.

L’OECT précise qu’outre les 508 articles composant les 6 codes de base de la fiscalité tunisienne (hormis plusieurs autres mesures éparpillées dans divers autres textes), 531 nouvelles mesures fiscales ont été adoptées dans le cadre des lois de finances depuis 2011. A ces textes réglementaires viennent s’ajouter 265 notes communes et plus de 4700 prises de position de l’administration fiscale en 10 ans.

Cette inflation sans précèdent de textes témoigne de la complexité du système fiscal, affirme-t-on et a favorisé le manque d’adhésion à l’accomplissement du devoir citoyen d’acquittement de l’impôt et l’évasion fiscale aggravé par l’absence de diffusion de la culture fiscale, de vulgarisation des mesures prises, leurs effets sur les recettes de l’Etat et leur affectation, etc.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek