La rentabilité des banques tunisiennes, qui a rebondi près des niveaux d’avant la pandémie au premier semestre écoulé (1S22), devrait contribuer à atténuer des conditions d’exploitation plus faibles, mais des risques de crédit pesants, avec des indicateurs de qualité des actifs qui se détériorent déjà, selon une note publiée aujourd’hui mercredi 12 octobre 2022 par Fitch Ratings.
D’après l’agence, la baisse des charges de dépréciation des actifs (charges de provisionnement des crédits) et la hausse des taux ont entraîné le fort rebond de la rentabilité au 1S22, le rendement annualisé des capitaux propres moyens du secteur augmentant à 16% (2021 : 10%), proche de son niveau de 2019 de 17%.
Marge d’intérêt peu sensible à la variation des taux
La marge nette d’intérêt moyenne des plus grandes banques a augmenté à 4,0% au 1S22 (2021 : 3,8%), car les hausses de taux ont eu peu d’impact sur les coûts de financement compte tenu de la forte proportion de comptes courants et d’épargne à faible coût, indique-on, ainsi, la rentabilité opérationnelle a été stimulée par la baisse des charges de provisionnement des crédits, qui ont consommé, en moyenne, 31% du bénéfice avant dépréciation (2021 : 43%).
La hausse des taux d’intérêt devrait continuer à soutenir la rentabilité. La Banque centrale de Tunisie (BCT) a relevé son taux directeur de 25 points de base à 7,25% le 5 octobre et Fitch prévoit de nouvelles hausses en raison de la persistance d’une inflation élevée et de la dépréciation du dinar tunisien à des niveaux record par rapport au dollar américain.
Cependant, l’agence doute que les charges de provisionnement de crédit soient suffisantes pour contrebalancer les risques, compte tenu des mauvaises conditions d’exploitation et de la détérioration de la qualité des actifs. L’inflation élevée, la hausse des taux et l’instabilité mettent la pression sur les emprunteurs, et le ratio moyen prêts douteux/prêts bruts des neuf plus grandes banques (hors STB Bank) a augmenté de 150 pb à 11,7% à fin 1S22 (moyenne du secteur : 13,1%).
Effort de provisionnement soutenue
La note de la maison de rating précise que certaines banques ont été plus strictes en classant les expositions aux risques auparavant problématiques comme dépréciées en prévision de la mise en œuvre de l’IFRS 9 à partir de fin 2023, mais la détérioration des indicateurs signale une aggravation supplémentaire. La couverture des prêts dépréciés a augmenté à 68% à la fin du 1S22 (moyenne du secteur : 58%), conformément aux orientations réglementaires révisées sur le calcul des provisions collectives.
Toujours d’après Fitch, les modestes exigences réglementaires en fonds propres des banques tunisiennes (ratio Tier 1 : 7% ; ratio de capital total : 10%) sont moins conservatrices que sur certains autres marchés africains. Les ratios Tier 1 moyens du secteur (fin 1S22 : 11,6%) et les ratios de fonds propres totaux (14,8%) fournissent des couvertures limitées compte tenu des risques souverains et de l’environnement opérationnel et des fortes concentrations d’emprunteurs à signature unique.
Le secteur bancaire est exposé au risque souverain de L’Etat Tunisien (CCC) par le biais de détentions de titres publics, de placements auprès de la banque centrale et de prêts au secteur public. L’exposition souveraine (hors entreprises publiques) était de 16% des actifs du secteur à fin mai 2022, soit environ 0,9x les fonds propres du secteur.
On assure, par ailleurs, que bien qu’il ne soit pas particulièrement élevé selon les normes régionales, cela pose des risques pour les faibles réserves de fonds propres des banques, martèle la note tout en précisant que la plupart des expositions sont en monnaie locale, ce qui signifie qu’une restructuration de la dette souveraine en monnaie locale pourrait entraîner des pertes substantielles.
Le système bancaire tunisien est relativement peu sensible au resserrement des conditions financières mondiales compte tenu de sa faible dollarisation, ce qui limite les risques de refinancement, conclut Fitch mais elle ajoute que les banques émettent sur le marché intérieur et seulement 1% des dépôts des clients du secteur sont en devises étrangères. Cependant, un ralentissement de la croissance des dépôts, conjugué à des demandes de financement accrues de la part de l’État, pourrait déclencher de nouvelles pressions sur les liquidités.
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