Il est des symboles funestes qui vous collent à jamais, la décision du chef du gouvernement, François Bayrou, de dévoiler la composition de son gouvernement un jour de deuil national en fait partie. Le maire de Pau et Haut-commissaire au plan était déjà le Premier ministre le plus impopulaire – selon les sondages – de la 5ème République durant les 10 premiers jours à Matignon, il devra rajouter cet opprobre. Il pourra arguer qu’il n’est pas seul à bord, que le président Emmanuel Macron est aussi coupable que lui, in fine c’est Bayrou qui portera le chapeau, le chef de l’Etat ayant déjà tout perdu (76% des Français le désapprouvent dit la dernière enquête)…
Darmanin et Barrot se battent et c’est Bayrou qui trinque
Le chef du gouvernement avait promis un gouvernement au complet avant Noël, mais jusqu’à hier dimanche 22 décembre dans la nuit il était encore dans les “derniers réglages“. En fait un des points d’achoppement c’était le ministère des Affaires étrangères – qui relève du chef de l’Etat -, que se disputent le sortant Jean-Noël Barrot, du MoDem (le parti de Bayrou) et l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, un Macroniste. On avait cru que son siège de député ferait son bonheur, que Nenni, l’ex-ministre s’est dit que pour aller au bout de ses ambitions présidentielles en 2027 il lui faut une meilleure exposition médiatique que le Parlement, où sa a voix se perd dans la cohue ambiante. Alors Darmanin veut arracher à Barrot son maroquin.
Théoriquement le chef du gouvernement n’est pour rien dans cette tambouille, dans ce combat de coqs, mais il se le prendra en pleine face, le jour où Mayotte et la nation entière sont censées se figer pour observer un deuil après le passage meurtrier du cyclone Chido (au moins 35 décès, un bilan très provisoire). Ce n’est vraiment pas le moment de faire de la tambouille politicienne. «Je trouve ça franchement très déplacé et cela me met en colère», lâche sur Franceinfo le sénateur RDPI de Mayotte Saïd Omar Oili…
«Qu’est-ce qu’on va retenir de cette journée ? Est-ce qu’on va retenir le drame qui vient de se passer à Mayotte ou la nomination du gouvernement ? Comme d’habitude on passe au second rang […]. À un moment donné, il faut laisser la politique de côté et avoir un peu de compassion envers ses compatriotes», déclare l’élu.
La députée LIOT de Mayotte Estelle Youssouffa n’est pas plus tendre. «L’obsession générale de la place politique à Paris, c’est le remaniement. Et on voit même le Premier ministre qui semble envisager de faire un remaniement un jour de deuil national. Monsieur qui avait un conseil municipal à Pau, qui n’est toujours pas venu à Mayotte […]. Je ne suis pas seulement bouleversée, je trouve que c’est tellement méprisant, grave, médiocre, qu’on a plus les mots», a-t-elle pesté sur France Inter.
Même dans la Macronie l’affaire embarrasse ce lundi. «Je ne vois pas comment une journée de deuil national pourrait être traduite par une journée de casting gouvernemental», a confié le député EPR des Yvelines Karl Olive sur CNews. «Le timing n’est pas forcément le bon», a asséné le député du Rassemblement national (RN) Julien Odoul, l’extrême droite qui a la cote à Mayotte du fait de l’exaspération provoquée par l’immigration clandestine massive (comorienne et africaine).
Un couac qui s’ajoute à trois bourdes politiques
Le palais de l’Élysée a tenté de jouer aux pompiers pour stopper l’incendie, l’annonce de la liste gouvernementale ne se ferait pas avant 18h pour cause de deuil. Mais ça ne suffira pas à calmer la colère des Mahorais et d’une grande partie des citoyens de la métropole, une journée de deuil est une journée de deuil, ça ne se segmente pas ! Macron aura beau prendre part à 11H00, «aux côtés d’agents de la présidence dans la cour d’honneur», à la minute de silence qui sera observée dans tout le pays, cela n’effacera pas le désastre politique qui s’ajoute à d’autres couacs majeurs…
Rappelons les mots terribles du président de la République à Mayotte, face à la colère légitime des populations qui ont perdu le peu qu’elles avaient : «Vous êtes contents d’être en France. Il n’y a pas un endroit dans l’océan Indien où on aide autant les gens, c’est un fait […]. Si ce n’était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde». Macron, qui a vite compris qu’il était allé trop, s’est défaussé en arguant qu’il s’adressait aux «gens du RN» qui «insultaient la France», là aussi le mal était fait.
«Vous avez vu les mots qu’il a dits lorsqu’il a été un peu chahuté par la population. Qu’en quelque sorte, on n’est pas des Français à part entière, mais des Français à part (…). Ça ne m’étonnerait pas qu’on nomme le gouvernement aujourd’hui. Les Mahorais seront, une deuxième fois, touchés et surtout meurtris», a commenté, très amer, Saïd Omar Oili…
Et que dire du chef du gouvernement, qui a commis deux fautes politiques majeures : il a déserté la réunion interministérielle sur la catastrophe à Mayotte pour présider son Conseil municipal à Pau et a renvoyé son voyage dans l’archipel jusqu’à la formation du gouvernement, le même gouvernement qui pollue la journée de deuil national. Le ténor de la droite Xavier Bertrand qui se bat comme un beau diable pour rejoindre Bayrou alors que l’extrême droite a mis son véto, Darmanin et Barrot qui s’écharpent autour du Quai d’Orsay ou le casse-tête du ministère de l’Économie ne justifient en rien ce télescopage gouvernement-deuil national. Ça reste une bourde politique et elle se payera politiquement.
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