Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ne pouvait pas rester tranquillement dans son coin, spectateur, pour regarder passer les trains de la réconciliation entre Paris et Alger. Ça ce n’est pas Retailleau, il n’est pas fait de ce bois-là. À la Place Beauvau il a pris goût à l’action, il y reste, comme un certain Nicolas Sarkozy en 2007, même si ce n’est pas nécessairement au service des intérêts supérieurs de la France…
Si Retailleau perd cette bataille il perdra tout
Il y a autre chose dans cette affaire, un moteur encore plus puissant : l’argumentaire électoral que lui donne le combat contre l’Algérie. Il sert dans la bataille pour arracher à Laurent Wauquiez la présidence des Républicains – la droite – et servira à la présidentielle de 2027. Il n’est pas dit que le ministre le plus populaire du gouvernement – disent les sondages – gagnera son premier duel contre le chef de son parti. Et s’il le perd il perdra tout.
Retailleau avait beaucoup misé, jusqu’à la déraison, sur son «rapport de force» avec Alger, on en est sorti, la séquence actuelle est diplomatique. Le chef suprême de la diplomatie française, le président Emmanuel Macron, a fini par imposer ses vues. Il a posé le cadre le 28 février dernier lors de son déplacement au Portugal. Son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune a répondu favorablement…
L’entretien téléphonique du 31 mars a accéléré le rythme ; le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui avait ouvert la brèche depuis le 15 janvier dernier, a fait le reste en se rendant à Alger dimanche dernier. Depuis l’ambiance entre les deux pays s’est considérablement détendue et on a remis du positif sur la table, les canaux de l’affrontement se sont fermés, même celui de Retailleau.
Mais le morceau est trop gros politiquement, il ne peut pas le lâcher comme ça, alors il redonne de la voix. «Je souhaite que Boualem Sansal soit libéré et que les ressortissants algériens dangereux soient réadmis. Il n’y a pas de garantie pour le moment, je jugerai sur pièce», a asséné le ministre de l’Intérieur ce mardi matin sur France 2. Il «dira si cela va dans le bon sens, ainsi que si c’est un échec»…
Voilà, il ne lâchera rien, il ne lâchera pas Barrot, Macron, Tebboune et compagnie. C’est une question de principe, peut-être, mais c’est surtout une question de survie électorale.
Bayrou l’a enhardi, de Villepin l’a démoli…
L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin a bien retourné le couteau dans la plaie de Retailleau, en pointant le «spectacle d’impuissance» et «un dysfonctionnement ministériel». Un assaut qui fait suite à l’attaque “perfide” portée par Wauquiez sur les effets de manche du ministre. Mais ce sont de grands garçons, ils savent que dans cette mare de crocodiles il n’y a pas de place pour la commisération et les complaintes.
L’ex-président des sénateurs de la droite – majoritaires dans la Chambre haute – avait instauré «un rapport de force» avec Alger suite à l’attentat de Mulhouse perpétré par un Algérien en février dernier. La France l’avait mis sur la liste des expulsés, mais à 10 reprises en 14 mois son pays avait refusé de le récupérer, avait affirmé Retailleau. Les “10 refus” d’Alger sont devenus “14” dans la bouche du Premier ministre François Bayrou…
Les deux hommes avaient fait bloc pour entamer une «riposte graduée» contre l’Algérie. Le président Macron avait fait mine de ne pas entendre, Paris avait alors transmis à Alger une liste de 58 ressortissants classés dangereux et qu’il fallait expulser sans délai. Refus catégorique de l’autre côté de la Méditerranée, sur la base d‘arguments qu’on ne peut pas balayer d’un revers de la main.
«J’ai assumé dans ce dialogue et cette crise un rapport de force, car je pense que nous ne pouvons pas seulement être gentils, il faut montrer du muscle. […] Ensuite il faut de la diplomatie, ce qu’à fait Jean-Noël Barrot à Alger dimanche», a redit le ministre de l’Intérieur, tout en soulignant qu’«il est fondamental de n’être pas naïf (…). Je fais très attention car il y a quand même la vie d’un homme en jeu, Boualem Sansal a 80 ans et est très malade».
Retailleau s’accorde «quelques semaines (…). Si ça ne marche pas, je le dirai et il faudra riposter. Les Français ne comprendraient pas et le prendraient comme une humiliation à la fierté française». Alger et Paris sont avertis, ils n’en ont pas terminé avec le Vendéen, il fera feu de tout bois pour gâcher leur fête. Il sait que l’opinion publique française est hautement inflammable…
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