Il ne manquerait plus que ça pour asseoir durablement la mauvaise réputation de la 2e économie de l’Union européenne, la France. L’ancien ministre de l’Economie (à deux reprises) Pierre Moscovici, qui tient fermement les rênes de la très respectée Cour des comptes, a brandi la menace de ne plus certifier les comptes de l’Etat. Le responsable est d’avis que tout le monde se “fiche” des recommandations de l’institution, lesquelles sont pourtant la meilleure boussole du gouvernement – avec les rapports de l’INSEE – et le meilleur indicateur sur la santé économique et financière du pays…
Moscovici a mis les pieds dans le plat ce mercredi 16 avril. “J’aimerais vous faire part, non pas de ma mauvaise humeur, mais de ma très mauvaise humeur s’agissant des suites – ou plutôt de l’absence systématique de suites – qui sont données à l’acte de certification que nous publions annuellement“, a-t-il asséné. Il a admis que le budget 2025 sera moins problématique que celui 2024, mais il y a tout ce qui va de travers et qu’il a évoqué devant les médias.
Après la presse le socialiste a filé vers l’Assemblée nationale, avec sous le bras une kyrielle de documents dont la certification des comptes de l’Etat pour 2024. C’est autant de documents à charge, contre le gouvernement. “J’imagine la situation d’une entreprise” où le commissaire aux comptes “certifierait les comptes avec de fortes réserves ou ne les certifierait pas, et où le conseil d’administration dirait “on s’en fiche”: l’Etat fait ça, la Sécurité sociale fait ça“, a martelé l’ancien ministre des Affaires européennes.
“Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées“, mais devraient “au contraire faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour les faire disparaître“, a-t-ajouté. Sauf que “pour la 19e année consécutive, les comptes de l’État ne sont pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives (…). En l’absence de progrès significatifs en 2025, la Cour pourrait être amenée à (…) ne pas certifier les comptes“, a-t-il répété, une résolution transmise à Bercy cette semaine.
Les oreilles de l’ancien ministre de l’Economie Bruno Le Maire (plus de 7 ans dans ce poste) ont sifflé et il s’y attendait. Le Premier président de la Cour des comptes a tiré copieusement sur le budget 2024, élaboré à l’automne 2023 avec des prévisions volontairement optimistes, trop, surtout le déficit public annoncé à 4,4% du PIB et qui a fini à 5,8%.
Moscovici a déploré le fait qu’il n’y ait pas eu de loi de finances rectificative début 2024, pour corriger les sorties de route de 2023. Il s’en est pris à “la gestion erratique, le pilotage à vue, la succession de reports, gels, surgels, coups de rabot” qui ont parsemé l’exercice 2024. Sur 2025, “c’est un peu mieux, il faut le reconnaître“, même si “nous observons encore soit de légers biais optimistes, soit des risques qui ne sont pas tout à fait évalués“, a-t-il déclaré…
“Néanmoins (…) la prévision de croissance [actuelle] à 0,7% n’est pas hors d’atteinte, même si les risques liés à la conjoncture internationale et à l’incertitude géopolitique sont élevés“, a-t-il conclu.
Pour Paris il y a danger, réellement. La parole de l’ancien ministre et ex-député européen pèse d’autant plus que la France paye cher les dérapages de ses comptes publics sur le marché de la dette. Le gros appétit de l’Hexagone pour les dépenses publiques, les plus fortes dans la zone euro, a un coût sur les places financières. Il ne faut pas minorer les contrecoups pour le gouvernement français en dépit de la fleur que lui font les agences de notation sur le maintien de la note souveraine.
Le ministre de l’Economie Eric Lombard tente de siffler la fin des turpitudes en annonçant une économie historique de 40 milliards d’euros sur le budget 2026. Le Premier ministre François Bayrou se démène pour vendre la pilule amère aux députés de la France insoumise et du Rassemblement national. Les troupes de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont menacé de rejouer la motion de censure qui avait fauché Michel Barnier…
Pour l’extrême droite il y a sans doute des considérations politiques après la condamnation de sa cheffe de file et le procès en appel décisif pour la présidentielle de 2027. Si Moscovici lui offre des munitions elle ne se gênera pas pour faire feu.
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