L’Etat hébreu a beaucoup d’amis en France, dans les hauts cercles : c’est le cas à la tête des deux Chambres, Sénat et Assemblée nationale. La Palestine aussi a de solides soutiens au Parlement et un peu partout. Ce mardi 15 avril ce sont les partisans d’Israël qui donnent de la voix. Ils montent vite au front et occupent l’espace après l’annonce surprise du président Emmanuel Macron sur la reconnaissance de l’Etat palestinien dès juin prochain, et manifestement la France ne sera pas seule.
La chose est suffisamment inquiétante pour terrifier ceux que le statu quo au Moyen-Orient rassure, en dépit de son lot de drames humains en Palestine depuis 76 ans. Le fils du Premier ministre israélien a dit tout le mal – il a dit bien plus – qu’il pense de la sortie de Macron, c’est au tour du sénateur français Roger Karoutchi. «Comme la lettre le dit, nous ne nous opposons pas à la reconnaissance d’un État de Palestine, en revanche, est-ce que l’annoncer au printemps 2025 était opportun»…
«Le massacre du 7 octobre a causé la mort de 42 de nos compatriotes, tous les otages n’ont pas été libérés, le Hamas refuse de rendre les armes et d’arrêter la guerre», a ajouté l’élu des Hauts-de-Seine. Comme si ce n’est pas Netanyahu qui a torpillé méthodiquement le cessez-le-feu et donc le retour des otages, alors que le mécanisme libération/échange de prisonniers fonctionnait très bien malgré les écueils. Même les familles des otages israéliens le crient.
Le sénateur fustige l’absence de coordination entre le chef de l’Etat et le ministère des Affaires étrangères. «Au même moment que l’annonce d’Emmanuel Macron de vouloir reconnaître la Palestine, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est auditionné au Sénat et réaffirme que les conditions ne sont pas remplies pour une reconnaissance. Et évidemment, c’est le Quai d’Orsay qui a raison», commente Karoutchi.
«Il y a la réalité et les vœux. Mon vœu permanent c’est qu’il y ait la paix au Proche-Orient, mais est-il réaliste aujourd’hui ? Le chef de l’Etat doit prendre les choses telles qu’elles sont», martèle le sénateur.
La lettre souligne que reconnaître l’Etat de Palestine, c’est «plonger dans l’inconnu» avec une Autorité palestinienne qui n’a ni «crédibilité» ni «légitimité (…). Quand les otages seront libérés, que le Hamas ne sera plus là et que l’Autorité palestinienne se trouvera renforcée, alors nous pourrons reprendre les discussions sur la reconnaissance de la Palestine», glisse Karoutchi…
Autant dire renvoyer l’Etat palestinien aux calendes grecques, ce que la communauté internationale fait depuis 76 ans.
L’annonce de la reconnaissance est programmée en juin prochain, à l’occasion d’une conférence (sur la solution à deux États) à New York, que la France coprésidera avec l’Arabie saoudite. Le président Macron veut également saisir cette fenêtre pour «finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque» des Etats voisins d’Israël. Le sénateur n’est toujours pas convaincu, il voit des dangers partout…
«Il faut inverser le processus. Est-ce que l’Arabie saoudite est prête à reconnaître l’Etat d’Israël ? Car si cela n’arrive pas après la reconnaissance, alors la parole de la France sera totalement décrédibilisée dans les pays arabes. Il aurait pu dire sa ligne, mais ne pas fixer un horizon», argue Karoutchi.
Rappelons que le président Macron a conversé ce mardi avec le Premier ministre israélien pour plaider «une perspective de solution politique à deux États». Fin de non-recevoir de la part de Tel-Aviv, au motif qu’un Etat palestinien serait «une énorme récompense pour le terrorisme».
107 sénateurs de droite et du centre ont cosigné la lettre de Karoutchi. Ce dernier n’est pas allé jusqu’à solliciter les signatures d’autres groupes tout en étant convaincu que «certains socialistes auraient pu la signer». Rappelons qu’en 2014 le Sénat a voté, avec une courte majorité, en faveur d’une reconnaissance de la Palestine. Mais avec la configuration actuelle – la droite est majoritaire – il n’y a aucune chance que ce vote soit réédité…
«Je pense que des personnes qui ont voté pour en 2014 trouvent que ce n’est pas le bon moment aujourd’hui. Parmi les 107 signataires, certains sont en faveur de la solution à deux Etats et donc d’une reconnaissance future de l’Etat Palestinien», soutient l’initiateur du texte. «On ne peut pas accepter que tout soit fait sans le Parlement (…). Il faut qu’il y ait des discussions et peut-être même un vote», insiste l’élu de droite.
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