Certaines images, certaines attitudes restent, s’ancrent dans les esprits, quoi qu’on fasse, surtout quand on est un éminent représentant de l’Etat. De l’avis de beaucoup d’observateurs de la vie politique, le ministre de l’Intérieur et qui est aussi ministre des Cultes, il faut le lui rappeler, Bruno Retailleau, a mis trop de temps – presque 48 heures – avant de prendre la direction de la mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard. Il a mis trop de temps avant de descendre sur le terrain pour manifester la mobilisation de la force publique face à ce crime atroce, il a mis trop de temps pour manifester sa solidarité avec une communauté éplorée, meurtrie et déboussolée. Cet acte lui collera à la peau, quoi qu’il fasse.
“L’indignation à géométrie variable” on l’a vue
Beaucoup ont reproché au ministre ce long mutisme et cette absence de réaction forte, mais de tous les pourfendeurs du ministre de l’Intérieur – ils sont rares – on retiendra Xavier Betrand, président de la région Hauts-de-France et poids lourd de la droite (Les Républicains), la famille politique de Retailleau. “Le ministre de l’Intérieur est aussi le ministre des cultes, j’ai eu l’occasion de le dire à Bruno Retailleau (…). Je suis intimement convaincu qu’il fallait y aller aussitôt“, a déclaré Bertrand ce lundi 28 avril sur BFMTV-RMC.
L’ancien ministre de la Santé et ancien ministre du Travail a ajouté : “Quand un homme est sauvagement assassiné en France parce qu’il est musulman, on doit combattre ça (…). L’indignation ne peut être à géométrie variable“.
Cette “indignation à géométrie variable” tout le monde l’a remarquée. Peu d’analystes s’y arrêtent parce que l’image n’est pas belle, parce qu’elle n’honore pas la République mais l’examen de conscience s’impose. Le Premier ministre François Bayrou aurait pu mieux faire qu’un tweet laconique et insipide sur une “ignominie islamophobe“. Il aurait pu faire une déclaration publique forte, si possible en direct. Là il aurait été à la hauteur de son statut et de la douleur des musulmans de France.
Quant à Retailleau, on l’a connu plus alerte, plus véloce et plus réactif après d’autres drames que nous ne rappellerons pas pour ne pas pointer du doigt une communauté. Nous nous bornerons à dire qu’un ministre des Cultes ne peut pas s’autoriser à avoir des colères à géométrie variable. Le meurtrier du jeune Malien Aboubakr Cissé a été cueilli par les forces de l’ordre en Italie mais le malaise ne se dissipera pas pour autant, le mal-être de millions de Français ne disparaîtra pas, bien au contraire.
Il ne peut en être autrement quand un ministre des Cultes – Retailleau – offense des millions de ses compatriotes en refusant de partager avec eux le repas de la rupture du jeûne au motif qu’il est trop connoté religion. Alors que le même ministre, fervent catholique, avait fait le déplacement jusqu’en Corse pour assister à une messe servie par feu le Pape François…
Le même ministre qui s’est rendu avec le président Emmanuel Macron aux funérailles du Pape. Qu’il ose dire que ce voyage n’est pas connoté religion, au moins autant que “l’iftar” à la Mosquée de Paris qu’il a refusé.
Chronique de tragédies annoncées
Il sera difficile de convaincre quelque 5 millions de musulmans de France qu’ils ne sont pas une catégorie à part. Ceux qui ont incendié la mosquée de Jargeau (dans le Loiret) juste avant le mois de Ramadan courent toujours. Si les autorités, à commencer par Retailleau, avaient fait ce qu’il fallait les incendiaires auraient été très certainement retrouvés. Il ne faut pas minorer les contrecoups de cette ambiance délétère, elle génère et alimente l’islamophobie. Et cette dernière enfante cet acte insoutenable qui a horrifié la France le 25 avril 2025.
“Il y a aussi dans la classe politique ceux qui font l’amalgame entre les islamistes qui s’en prennent aux valeurs de la République et nos compatriotes musulmans qui ne demandent qu’une seule chose, c’est de pouvoir exercer leur foi, c’est ça aussi qui est en train de se jouer aussi“, a déclaré Xavier Bertrand ce lundi…
Pourtant l’homme n’est pas un tendre, on se rappelle qu’il a été pour beaucoup dans les déboires du lycée privé musulman de Lille. Mais lui au moins on sait qu’il n’est pas mu par les idées qui fleurissent à l’extrême droite, c’est même la raison pour laquelle Marine Le Pen en a fait un ennemi notoire au point d’exiger qu’il soit évincé du gouvernement de François Bayrou, alors que son nom était abondamment cité.
Les convictions et le positionnement politique de Bertrand on les connait, on ne peut pas en dire autant de Retailleau. Depuis qu’il a compris que faire de l’islamisme son combat est très payant électoralement on ne l’arrête plus. Il a juste oublié qu’il est le ministre de tous les Cultes et pas uniquement du catholicisme ; il a oublié que sa posture produit de l’amalgame et désoriente les esprits faibles, malades…
Retailleau a oublié que l’égarement de certains tue.
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