Le ministre de l’Intérieur et ministre des Cultes, il faut le rappeler, Bruno Retailleau, ne fait même plus semblant, il n’en a plus besoin. Le plus populaire des ministres de François Bayrou – disent les sondages -, une popularité qu’il doit en grande partie à sa croisade contre les Algériens, s’autorise tout, ose tout. Il se permet même de bouder ce moment de partage et de communion qu’est le traditionnel «iftar [repas des jeûneurs] des ambassadeurs» organisé depuis 2022 par la Grande mosquée de Paris…
Pour ceux qui avaient encore des doutes sur ce qu’il y a dans la tête de Retailleau les choses sont claires : Les états d’âme des quelque 5,5 millions de musulmans de France sont le cadet des soucis du candidat potentiel à la présidentielle de 2027. Son prédécesseur Gérald Moussa Darmanin ne manquait pas «l’iftar des ambassadeurs», Retailleau lui juge que sa place n’est pas là-bas. Il ne veut émettre aucun signe positif en direction de la communauté musulmane, il ne veut laisser paraître que le rugueux Premier flic de France.
Cet affichage est sans doute très bon pour sa tambouille politicienne dans la perspective de la prochaine élection, dans cette France qui se droitise jusqu’à l’extrême, mais il est évident que ce positionnement porte un coup très sévère à l’unité nationale. Après l’incendie à la mosquée de Jargeau on avait émis l’hypothèse qu’on ne verra pas Retailleau (d’ailleurs est-ce qu’il a attrapé le ou les incendiaires?) à la Mosquée de Paris. Hélas les faits le confirment.
C’est le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui sera ce mardi 18 mars à la Grande mosquée de Paris, au nom du gouvernement. Barrot qui avait tendu la main à l’Algérie en janvier dernier, alors que son collègue à l’Intérieur souffle quotidiennement sur les braises.
Entre la première institution musulmane de l’Hexagone, pilotée par le recteur franco-algérien Chems-Eddine Hafiz et Retailleau c’est une histoire tourmentée, agitée. En janvier dernier le ministre de l’Intérieur avait tiré en direction de la mosquée de Paris sur fond de querelles autour de la certification Halal pour le compte de l’Algérie. L’institution avait été accusée d’avoir monté «un juteux système financier» après que le gouvernement algérien lui a accordé l’exclusivité de la certification Halal des produits importés par l’Algérie des pays de l’Union européenne et d’ailleurs.
Le ministre de l’Intérieur, qui n’en est pas à un excès près, s’était juré de faire payer à la Grande mosquée de Paris ce qui à ses yeux est un «Islam consulaire, très influencé par des pays étrangers (…). J’ai demandé à mes services de voir, d’examiner les conditions sur lesquelles cette taxe avait été instaurée (…). Une mosquée est un lieu de culte, ce n’est pas une ambassade», a-t-il asséné le 24 janvier dernier.
Etrangement peu de temps avant Xavier Driencourt, ancien ambassadeur français à Alger, un ennemi notoire des Algériens, avait taclé Chems-Eddine Hafiz avec le même argumentaire : il n’est pas «l’ambassadeur officieux de l’Algérie», tout en l’invitant à s’occuper «de religion et non de politique». Ce à quoi le très combatif recteur avait répliqué en pointant une «campagne médiatique sans précédent» et des «attaques extrêmement virulentes, totalement mensongères» lancées par des «milieux hostiles à l’apaisement des relations entre la France et l’Algérie».
Un autre développement qui en rajoute au climat délétère entre les autorités françaises et Alger : Aucun imam n’a débarqué cette année d’Algérie pour le Ramadan. Alors que traditionnellement dans cette période de l’année 80 imams algériens sont dépêchés pour assister les fidèles durant le mois du jeûne dans les différentes structures relevant de la Grande mosquée de Paris…
«La situation est compliquée», a commenté le recteur, cité par le journal Sud-Ouest. Mais il a tenu à préciser que ses ennuis ont commencé bien avant la crise entre la France et l’Algérie. Ils ont débuté exactement quand il a refusé de manifester avec l’extrême-droite contre l’antisémitisme en novembre 2023. «Avant, j’étais le musulman qu’il fallait fréquenter à tout prix. Après, je deviens le pire des antisémites», lâche-t-il.
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