Après avoir augmenté ses taux d’intérêt en juillet pour la première fois en dix ans, de 50 points de base, la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé, jeudi 8 septembre courant, de les relever de nouveau de 0,75 point, une ampleur sans précédent dont l’objectif présumé est la lutte contre l’inflation.
Cependant, la décision sera lourde de conséquences sur les dettes souveraines libellées en monnaie unique. Fin juin dernier, 59,6% de la dette extérieure tunisienne est en euros.
Contexte inflationniste et risque de taux
L’objectif du relèvement de taux tient à priori à la volonté de juguler l’inflation rampante dans la zone euro. En août 2022, le taux d’inflation est sorti à 9,1% en glissement annuel. Si, dans certains pays, l’inflation demeure relativement modérée, elle dépasse 10% dans neuf pays de la zone et même 20% dans les pays baltes.
La BCE a relevé de 75 points de base ses taux directeurs, à savoir le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt. Ces taux passent à respectivement 1,25%, 1,50% et 0,75% à partir du 14 septembre 2022.
Cependant, on s’attend selon plusieurs observateurs à un risque imminent de montée de l’inflation par le canal de taux du fait de la nature de l’évolution des différentes composantes de l’inflation.
Resserrement monétaire
D’un point de vue purement technique, le choix du resserrement monétaire par l’accroissement de taux est risqué puisqu’il pourrait déclencher des tensions sur les marchés financiers.
Dans la zone euro et les autres places financières engagées fortement en monnaie unique, les tensions sur le marché des dettes souveraines pourraient s’amplifier que ce soit au niveau des marges de taux qui s’accroitront d’une manière systématique ou en termes d’augmentation des écarts de cours de change. On est là parfaitement exposé aux effets pervers du phénomène dit « passthrough ».
En réalité, après la hausse de 50 points de base en juillet 2022, la nouvelle hausse de taux décrétée par la BCE révèle sa détermination à contenir le différentiel de taux avec ceux pratiqués par les autres banques centrales, notamment la Réserve fédérale des États-Unis (Fed, banque centrale américaine) et la Banque d’Angleterre tout en essayant d’éviter un nouvel affaiblissement de l’euro, déjà tombé à la parité avec le dollar.
Impacts sur la dette extérieure tunisienne
La quantification de l’impact de la hausse des taux de la BCE sur l’encours de la dette extérieure tunisienne estimée à fin juin à 66,0 milliards de dinars est une opération délicate du fait de l’absence d’un bilan de taux de cette dette, élaboré par les autorités.
Toutefois, la composition de la dette extérieure d’euros à hauteur de 59,6% et l’ampleur du service de cette dette qui a atteint 5,8 milliards de dinars à fin août dernier laisse prévoir une montée significative de celui-ci notamment à moyen terme puisque la maturité moyenne de la dette extérieure tunisienne est estimée à 6,9 années sachant que 27,6% de cette dette est libellée à des taux variables.
La hausse récente des taux d’intérêt européens de 75 points de base, limite l’accès des autorités aux financements extérieurs, alors que les besoins de financement du budget augmentent, avec un déficit primaire estimé à 9% du PIB d’ici la fin de l’année
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