L’affaire ne fait aucun bruit à l’international ou très peu et pourtant… Il faut imaginer le tintamarre que ça ferait en Europe ou encore aux USA. Près de 42 000 citoyens koweitiens déchus de leur nationalité depuis septembre dernier. ça donne le tournis. Les chiffres de la France à côté c’est du menu fretin.
C’est la militante des droits humains Ibtihal Al-Khatib qui l’a ébruité. “Cette campagne de déchéance de nationalité inquiète et provoque des débats”, commente le spécialiste américain des pays du Golfe Giorgio Cafiero sur le site “Amwaj”. Les autorités arguent que les frappent ciblent les ressortissants étrangers qui ont emprunté des voies illégales pour être naturalisés. Mais personne n’est dupe…
Dans un pays aux moeurs politiques corsetées (mais il n’est pas le seul, c’est pareil chez tous les voisins) le gouvernement en profite pour se débarrasser de ses opposants politiques. Ces opérations marquent la chape de plomb posée par le nouvel émir, Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah, qui s’est assis sur le trône fin 2023. En mai dernier il s’était illustré par un gel partiel de la Constitution, avec dissolution du Parlement. C’est la fin de la parenthèse démocratique.
Le Koweït a pris un virage “autoritaire” et “illibéral”, écrit “Amwaj”, en citant un professeur de l’université de Philadelphie (USA), Sean Yom. Les retraits massifs de nationalité, très souvent sous le sceau de l’arbitraire, installent la peur dans ce pays qui était considéré comme le plus libéral dans cette partie du monde.
D’après le ministre de l’Intérieur, le prince Fahad Youssef Al-Sabah, “même des citoyens qui oseraient critiquer le [régime] koweïtien alors qu’ils vivent ou étudient à l’étranger méritent d’être dénaturalisés”, s’alarme Sean Yom.
Cette politique va de pair avec une “vision exclusive” de la société koweïtienne, ajoute le chercheur américain Michel Herb, l’un des plus éminents spécialistes du Koweït. “Selon cette vision, il n’y a pas de place pour ceux qui n’ont pas de racines profondes” dans le pays, glisse-t-il.
Dans une interview accordée à la chaîne “Al-Rai” début mars dernier, le ministre de l’Intérieur koweïtien assumait la xénophobie jusqu’au sommet de l’Etat. Il a déclaré que “le Koweït [ne devait pas être] pris en otage” par des “nationalités intruses” qui risqueraient de changer la “nature authentique” de la société koweïtienne et de créer des “confusions de lignage”. Il est allé plus loin en annonçant un travail en profondeur pour corriger les “perturbations de l’identité nationale”.
Ces sorties xénophobes ne sont pas reniées par la population, comme dans les autres pétromonarchies du Golfe le sentiment de submersion par les étrangers s’installe dans les esprits et alimente une peur irrationnelle. Au Koweït les deux tiers de la population de quelque 5 millions de personnes sont des immigrés. Ils sont méprisés, brimés et seront toujours considérés comme des citoyens de seconde zone. Sauf que sans eux le pays ne tournera plus, quand on connait le peu d’appétit des Koweïtiens dits de souche pour les tâches ingrates.
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