Sante

La charte numérique des médecins tunisiens suscite le débat entre éthique professionnelle et liberté d’expression

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La publication d’un nouveau “code de conduite numérique” par le Conseil national de l’Ordre des médecins tunisiens a déclenché une vague de réactions contrastées dans la communauté médicale.

Présentée comme un outil d’encadrement éthique, cette charte vise à réguler la présence des praticiens sur les réseaux sociaux, tout en interdisant certaines pratiques jugées nuisibles à l’image de la profession.

Une initiative controversée

Présenté vendredi sur la page Facebook officielle de l’Ordre, le texte définit un ensemble de règles destinées à “organiser la présence des médecins dans l’espace numérique” et “encadrer leurs interactions sur les plateformes sociales”.

Interrogé par l’agence TAP, Samir Chtourou, membre du bureau du Conseil national, a précisé que l’objectif du document n’est pas de restreindre la liberté d’expression, mais de préserver l’éthique médicale, à la demande même de nombreux professionnels :

« Le code a été motivé par des cas de dépassements observés sur les réseaux, notamment en matière de publicité, de diffamation ou de diffusion d’informations médicales non fondées scientifiquement ».

Principaux points du code

Le nouveau texte appelle les médecins à :

  • S’abstenir de toute forme de publicité directe ou déguisée, y compris pour des compléments alimentaires, dispositifs médicaux ou médicaments ;

  • Éviter toute association à des contenus de type “influenceurs” ou sponsorisés, même indirectement ;

  • Ne pas publier d’images “avant/après” d’opérations esthétiques ;

  • Renoncer à des collaborations médiatiques régulières sans encadrement ;

  • S’assurer que toute information médicale partagée soit validée scientifiquement.

Le texte met également en garde contre le recours aux témoignages de patients à des fins promotionnelles et interdit l’utilisation de publicités payantes sur les plateformes numériques.

Réactions contrastées dans le milieu médical

Le document n’a pas manqué de diviser les praticiens tunisiens. Certains y voient une réponse nécessaire à des dérives devenues fréquentes, notamment dans le domaine de la médecine esthétique, de l’autopromotion abusive ou du discours pseudo-scientifique.

D’autres, en revanche, dénoncent un encadrement excessif, perçu comme une forme de censure ou de pression disciplinaire visant à dissuader les médecins de s’exprimer librement sur les dysfonctionnements du système de santé.

Sanctions prévues et appels à la vigilance

Le Conseil rappelle qu’il se réserve le droit d’engager des poursuites disciplinaires contre tout contrevenant, conformément aux dispositions du code de déontologie médicale en vigueur. Les infractions peuvent être signalées via la plateforme officielle de l’Ordre.

À noter que cette charte ne concerne pas les chirurgiens-dentistes, qui disposent de leurs propres textes réglementaires.

Ainsi, alors que les réseaux sociaux deviennent un terrain d’expression de plus en plus utilisé par les professionnels de santé, la Tunisie tente d’instaurer un équilibre entre liberté individuelle, éthique médicale et crédibilité scientifique.

Reste à savoir si cette charte permettra d’encadrer efficacement les pratiques numériques des médecins, sans brider le débat public sur les défis du secteur de la santé.

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