La Chine n’a jamais été totalement transparente, sur ses indicateurs macroéconomiques comme sur tout le reste. Les partenaires étrangères se méfient encore plus de Pékin depuis qu’il a décidé de ne plus publier les statistiques sur le chômage des jeunes pour masquer autant que possible les difficultés économiques du pays. Alors les organismes internationaux fouillent, utilisent leurs propres moyens pour percer les mystères chinois et anticiper des crises qui impacteront forcément le monde. Cette fois c’est la dette «cachée» des provinces qui inquiète les autorités mais pas qu’elles…
Le troisième plénum du Parti communiste chinois bat son plein – du 15 au 18 juillet 2024 -, c’est là que les grandes lignes de la politique économique du pays pour les prochaines années sont dessinées. Donc forcément la dette astronomique des provinces chinoises sera mise sur la table par le président Xi Jinping et compagnie. Mais vous n’en entendrez rien, cette grand-messe étant frappée du sceau du secret absolu. Toutefois le Fonds monétaire international (FMI) a sa petite idée sur la question.
L’institution internationale évalue l’ardoise chinoise à 92 000 milliards de yuans (soit près de 12 600 milliards de dollars). Cette évaluation englobe une part de dette cachée, contractés à travers des intermédiaires financiers (les «véhicules de financement des gouvernements locaux»), afin que ces crédits ne figurent pas sur les comptes officiels des provinces. Du travail et pas peu attend le Parti communiste.
«Le système de financement des gouvernements locaux est assez opaque», a commenté Mary-Françoise Renard, professeure émérite à l’université Clermont-Auvergne et auteure de “La Chine dans l’économie mondiale“. Pour financer les gros chantiers d’infrastructures et enrayer les effets de la crise du Coronavirus les provinces ont cassé leur tirelire. Ces sommes colossales sont aussi la résultante d’une compétition féroce entre les gouvernements locaux…
«Les gouverneurs sont nommés par le gouvernement central en fonction de leurs résultats économiques (…). Cette concurrence les a conduits à engager des dépenses extrêmement importantes en matière d’infrastructures, par exemple, et y compris parfois des surinvestissements, pour financer artificiellement de la croissance» a ajouté Pr Renard, citée par RFI.
Certes ces investissements ont fait éclore des routes, des ponts mais également des parcs d’attraction, sauf que certains n’ont même pas de public. Le FMI est d’avis que d’ici à 2027 la dette globale des provinces chinoises dépassera 100% du PIB du pays.
«Depuis plusieurs années, Xi Jinping lui-même et le gouvernement chinois s’inquiètent de ce système [de dette cachée, NDLR], y compris publiquement», souligne l’universitaire. Des réformes ont été clamées, surtout l’élimination des véhicules de financement des gouvernements locaux. Mais elles n’ont pas été finalisées ou n’ont pas porté leurs fruits. «Les recettes des gouvernements locaux sont insuffisantes par rapport à la charge de dépenses qu’ils ont à faire», indique la chercheuse, qui milite pour «une réforme d’ampleur des finances publiques».
La crise du secteur immobilier touche les sommets, les logements ne trouvent pas d’acquéreurs et les terrains dont les ventes permettaient aux provinces de garantir leurs emprunts ont vu leur valeur s’éroder. Certaines provinces, endettées jusqu’au cou, pourraient basculer en défaut de paiement, même s’«il n’y a pas à craindre de risque systémique», car une infime partie de la dette chinoise est contrôlée par des opérateurs financiers étrangers.
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