Est-ce que les voisins et adversaires de la Chine (le Japon et la Corée du Sud principalement) et leur parrain américain doivent s’en inquiéter ? Théoriquement non puisque Pékin s’est rapproché dernièrement de Tokyo et Séoul, mais il arrive souvent à l’armée de Xi Jinping (la 2e du monde, très loin derrière les USA) de sortir des clous. Les Chinois viennent de tester un missile balistique intercontinental dans le Pacifique. Stupeur et tremblements dans la région et ailleurs dans la planète.
L’essai a été officialisé ce mercredi 25 septembre par le ministère de la Défense, un tel exercice de transparence n’était pas arrivé depuis les années 1980. La Chine n’est pas la Corée du Nord, Pékin ne fait pas de la terreur l’alpha et l’oméga de sa diplomatie, ses préoccupations sont plus d’ordre économique. Dernièrement on a vu les Chinois batailler contre les USA et l’Union européenne pour qu’on ne taxe pas les véhicules électriques. Alors qu’est-ce qui explique cette éruption balistique ?
L’Armée populaire de libération (APL) avait besoin de remontrer les muscles pour rappeler à Taïwan et à son soutien, les USA, que c’est Jinping qui dicte sa loi dans la région et même au-delà. Et Pékin sait que Washington, pris par la fièvre électorale, la guerre en Ukraine et le Proche-Orient, perd forcément de vue – juste un peu – la bravade chinoise. Pékin entend aussi montrer que personne n’est en mesure de lui disputer la souveraineté en mer de Chine méridionale.
Le Japon a déclaré que la montée en puissance de l’armée chinoise est une «préoccupation sérieuse». Idem pour la Nouvelle-Zélande, qui juge ce tir de missile «préoccupant et indésirable». Mais à part ces cris d’orfraie que peuvent-ils faire concrètement pour tailler les ailes de l’ogre chinois ? Rien.
Tokyo dit ne pas avoir été averti avant le lancement alors que l’agence de presse officielle chinoise Xinhua soutient le contraire. Un responsable des garde-côtes nippons, cité par Reuters, a coupé la poire en deux en affirmant que ses unités auraient été informées de probables chutes de débris en mer de Chine méridionale, dans le Pacifique Nord et dans le Pacifique sud. Pas plus d’indications de la part de Pékin, ni sur l’origine du tir (un sous-marin ou depuis la terre ferme), ni sur l’endroit visé par le missile balistique.
Le laconique communiqué officiel s’est borné à évoquer un test habituel, dans le cadre du programme annuel d’entraînement. Mais cet essai est tout sauf habituel. La Force des fusées de l’armée chinoise, l’organisme qui pilote le développement balistique, procède généralement à des tests dans l’espace aérien chinois. Les États-Unis en sont convaincus : Pékin s’est mis en tête de doubler son stock d’ogives nucléaires d’ici 2030, et Jinping en a les moyens, techniques et financiers, contrairement au programme balistique russe qui enchaîne les ratés.
Mais pour atteindre ses objectifs la Chine est contrainte de tester ses missiles en conditions réelles, donc le dernier tir est très probablement le premier d’une longue série qui empêchera la région et le monde de dormir. L’Australie «a demandé une explication à la Chine» sur ce lancement, a confié un porte-parole du ministère des Affaires étrangères ; il dénonce dans la foulée toute action «déstabilisante» qui «accroît le risque d’une erreur dans la région».
Evidemment ces protestations outrées n’arrêteront pas la Chine, elle a des missiles balistiques qui volent et très bien même, elle ne s’en privera pas. Le missile balistique intercontinental de Vladimir Poutine n’est pas un problème pour l’Occident – en tout cas pas encore -, ceux de Jinping le seront…
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