A la une

Le président tchadien à Moscou : Déby tue un peu plus la “Françafrique”, Poutine lui promet un corridor logistique, des ports…

Partager

Le président du Tchad, le général d’armée Mahamat Idriss Déby, a été reçu en grande pompe à Moscou par son homologue russe Vladimir Poutine hier mercredi 24 janvier, comme avait été reçu en juin 2022 le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall. Poutine tient à recevoir avec tous les honneurs ses «amis» africains, les Occidentaux ne peuvent pas en dire autant. On se rappelle de l’accueil glacial réservé au président français Emmanuel Macron en février 2022, placé au bout d’une table interminable au motif que le maître du Kremlin respectait les gestes barrière du fait du Coronavirus. Mais puisque depuis aucun Occidental ne met les pieds à Moscou le problème est réglé. Par contre les Africains eux croient encore qu’ils peuvent mettre la Russie dans leur éventail de choix.

L’offre est très alléchante sur le papier mais…

Déby s’est rendu à Moscou sur invitation officielle de Poutine. On a appris, par le canal de la présidence tchadienne, que ce premier déplacement de deux jours en Russie «s’inscrit dans le cadre des efforts visant à ouvrir de nouvelles perspectives, renforcer les liens d’amitié et de coopération entre le pays et la Fédération de Russie […]». Il sera question «des perspectives de développement des relations russo-tchadiennes dans divers domaines, ainsi que les questions régionales et internationales d’actualité d’intérêt commun».

Plus précisément, toujours selon le cabinet de Déby, Moscou envisage d’installer un corridor logistique qui reliera l’Afrique centrale et l’Asie, à travers l’installation de ports entre le Tchad et le Soudan sur la mer Rouge. Très alléchant sur le papier, il faut le reconnaitre, mais dans les faits est-ce qu’il croire aux promesses de Poutine ? Telle est la question…

Des engagements pour changer radicalement le devenir des Etats africains le président russe en a beaucoup pris en mars 2023. Mais depuis le sommet Russie-Afrique en juillet 2023 rien de tangible n’a été fait pour concrétiser les promesses faites par Moscou. Depuis tout ce qu’on a vu ce sont quelques bateaux de blé pour soulager 6 nations africaines parmi les plus mal loties. C’est un peu maigre au regard des attentes.

Déby ne fera pas les mêmes erreurs tragiques que ses voisins

Le Tchad et la Russie ont déjà des liens dans l’éducation, la santé, le pétrole, l’agriculture, l’énergie, la défense et la sécurité, mais est-ce que ce que ramènera Déby de Moscou sera de nature à monter en puissance dans les relations bilatérales ? Le doute est permis. La Russie a laissé beaucoup de plumes (économiques, financières, militaires, logistiques, etc.) dans sa guerre en Ukraine et le Kremlin n’a certainement plus les mêmes les marges de manœuvre depuis le le 22 février 2022.

Par exemple le Mali, un des nouveaux poulains de la Russie, a besoin de 1443 milliards FCFA (2,4 milliards de dollars), mais ce n’est pas Poutine qui lui donnera cet argent. Bamako devra sortir prochainement sur le marché des capitaux de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour collecter ces sous et il devra batailler pour les avoir. Le Mali est certes à couteaux tirés avec la CEDEAO depuis ses deux coups d’Etat et ses sorties des clous de l’ordre constitutionnel ; une pluie de sanctions économiques et financières pourrissent la vie des Maliens mais c’est toujours en Afrique de l’Ouest que Bamako se finance et pas à Moscou.

Le Burkina Faso, un autre nouvel allié de la Russie, a certes des rêves d’émancipation totale de l’Occident mais en attendant c’est avec les Occidentaux que le chef de la junte militaire burkinabé fait des affaires, enfin, si on peut appeler ça ainsi. Tout ça le jeune président tchadien (âgé de 39 ans) ne l’ignore pas. Alors pactiser avec la Russie oui, certes, comme le dicte le même pragmatisme qui anime tous les pays émergents, mêmes les plus grands (qui reproche à la Chine et à l’Inde de manger à tous les râteliers ?), mais certainement pas fermer la porte de l’Occident.

Les soldats français sont au Tchad, ils y restent

Je rappelle juste que les soldats français qui ont été éjectés du Mali et du Burkina Faso ont atterri au Tchad et ils ne sont pas près de repartir. Le général Déby ne fera pas la même erreur funeste que les officiers à la tête des pays voisins, qui subissent plus d’attaques terroristes depuis que les Français sont partis que durant les années précédentes. Le Tchad ne mettra pas tous ses œufs dans le panier russe. Il fera comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui continuent de travailler avec la France et les USA, et on ne peut pas dire que ça ne leur réussit pas. D’ailleurs le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a fait des annonces fortes dans ce sens, dans le cadre de sa troisième tournée en Afrique.

C’est désormais ça le nouveau cap fixé par les Africains eux-mêmes, courtisés par le monde entier : Un marché à la carte où on vogue au gré de ses intérêts supérieurs. La même recette a payé pour toutes les nations avancées de la planète, elle payera pour les pays africains grâce au pouvoir d’accélération des ressources naturelles illimitées… à condition de faire les choix qui s’imposent et de s’y tenir.

 

Laissez un commentaire