Economie

L’UE a-t-elle échoué à soutenir la jeune démocratie en Tunisie ?

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Le centre carnegie endowment for international peace (CEIP) a publié le 16 décembre courant, un article critiquant la réaction européenne vis-à-vis des mesures du 25 juillet 2021 et propose à l’UE une nouvelle approche pour soutenir « la démocratie » en Tunisie.

Revenant sur la réaction de l’UE, le centre a jugé qu’elle a été prudente dans sa réponse aux mesures du 25 juillet. Les États membres de l’Union n’ont d’ailleurs pas réagi de manière unifiée. Les critiques européennes contre les mesures présidentielles étaient sans effet remarquable jusqu’à présent. Pourtant, la crise de la démocratie tunisienne reflète une série de faiblesses dans l’engagement de l’UE envers le pays depuis la révolution politique de 2011.

Les raisons de la réaction de l’UE selon carnegie

Expliquant les causes de cette réaction timide selon lui, le centre carnegie endowment for international peace avance sa propre analyse.

Au fait, selon le centre, quatre facteurs expliquent pourquoi l’UE s’est montrée si faible dans la protection d’un système qu’elle a souvent vanté comme modèle.

Premièrement, l’UE a de plus en plus privilégié le contrôle de la migration au détriment du soutien à la démocratie. Alors que l’UE présente la lutte contre la migration informelle comme une priorité commune pour les Européens et les Tunisiens, il s’agit en réalité d’une priorité européenne. De nombreux Tunisiens aimeraient s’installer en Europe, mais les autorités tunisiennes vont à l’encontre de leurs demandes en fermant les routes migratoires informelles. De nombreux pays Européens aimeraient que Tunis contrôle les frontières sud de l’UE, apparemment indépendamment du système politique du pays.

Le deuxième facteur est que l’UE n’a pas agi de manière décisive pour sauvegarder les acquis démocratiques qu’elle a contribué à promouvoir. Par rapport à d’autres cas en Europe orientale et centrale, où l’UE était très attentive aux menaces posées par la Russie, Bruxelles a à peine réagi aux influences extérieures en Tunisie résultant des tensions entre l’axe concurrent de l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, et l’Egypte d’un côté et celle de la Turquie et du Qatar de l’autre.

Le troisième facteur concerne l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). Les Européens ont fait pression sur la Tunisie pour qu’elle aille de l’avant avec cet accord comme condition d’une amélioration des relations. Mais la politique intérieure et de profonds soupçons sur la proposition ont retenu la Tunisie.

La quatrième et la plus immédiate faiblesse de la politique diplomatique de l’UE envers la Tunisie s’est produite pendant la pandémie de coronavirus. Entre juin et juillet 2021, des milliers de Tunisiens sont morts et le système de santé du pays a frôlé l’effondrement. Le pays manquait de tout, des masques et réservoirs d’oxygène aux vaccins. Alors que la Tunisie coulait, de nombreux dirigeants européens ont négligé les appels à l’aide. Mais ce n’est qu’après l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte qui ont promis une aide d’urgence, que des Européens ont commencé à envoyer l’aide.

En plus de ces facteurs, le centre Le carnegie endowment for international peace voit que la réticence de l’UE à critiquer sans équivoque cette décision est compréhensible : les Tunisiens en étaient venus à détester la classe politique du pays si fortement que défendre le gouvernement déchu ou le parlement suspendu serait contre l’union.

Le centre considère aussi que la réaction de l’UE a été lente et modérée au début, elle est progressivement devenue plus critique. Borrell et Charles Michel, le président du Conseil européen, ont pressé Saied de fournir une feuille de route pour remettre la Tunisie sur la voie de la démocratie.

La position de la France est légèrement différente. Le gouvernement français a estimé que ses intérêts dans le pays étaient menacés. De plus, Paris s’inquiétait de l’instabilité qui a frappé la Tunisie après 2010, se traduisant parfois par la migration et le terrorisme. Néanmoins, vers la fin de 2021, Paris a commencé à exprimer un certain mécontentement. Le Sommet international de la Francophonie, qui devait se tenir en Tunisie en novembre, a été reporté. Et la France n’a pas mobilisé d’importants fonds d’aide pour aider la Tunisie à sortir de son marasme économique. Paris souhaite voir une feuille de route politique et avoir un interlocuteur stable à Tunis.

C’est pourtant l’Allemagne qui a été la plus préoccupée parmi les Etats européens par la démocratie en Tunisie. Berlin a considérablement investi dans la transition tunisienne. Lorsque le ministre d’État allemand des Affaires étrangères au ministère fédéral des Affaires étrangères s’est rendu à Tunis à la mi-octobre, il a également souligné la nécessité pour la Tunisie de consolider ses institutions démocratiques.

Que peut faire l’UE d’après le centre CEIP ?

Pour commencer, les Européens devraient faire tout leur possible pour aider à atténuer les difficultés économiques de la Tunisie. L’Europe devrait utiliser son expertise disponible et les nouvelles technologies pour aider la Tunisie à moderniser son secteur agricole et à construire des infrastructures d’énergie renouvelable, des domaines qui peuvent offrir à la Tunisie un avantage et qui peuvent aider à améliorer rapidement les perspectives économiques du pays.

L’Europe devrait également réfléchir aux moyens d’aider à stimuler les réformes politiques en Tunisie.

Au-delà des frontières de la Tunisie, l’UE et ses États membres devraient faire pression sur les partenaires régionaux, notamment l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ainsi que le Qatar et la Turquie, pour qu’ils cessent de s’ingérer dans les affaires tunisiennes.

Parallèlement, sur le long terme, les Européens devraient lutter contre la désinformation en ligne et la diffusion des théories du complot en Tunisie en collaboration avec Facebook.

L’UE et ses États membres se demandent comment ils peuvent réviser leurs relations avec la Tunisie à moyen terme, surtout si la jeune démocratie du pays continue son déraillement. La question des sanctions serait une voie risquée à emprunter : Tunis pourrait encore trouver des moyens d’obtenir des investissements de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. La Chine pourrait même voir la situation comme une bonne occasion pour chercher une tête de pont géopolitique en Afrique du Nord. L’UE ne devrait pas rester les bras croisés et de laisser la Tunisie devenir la proie du populisme et de l’autoritarisme renaissant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek