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Ma vie: Tunisien père de famille, vivant en célibataire à Paris depuis 1997

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Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

A l’occasion de cet épisode, le journaliste de Tunisie Numérique s’est entretenu à Paris avec Ali.

Ali a 57 ans, il vit seul à Paris. Ali est arrivé à la ville des lumières en 1997. Il est entré sur le territoire Français en tant que touriste.

Ali nous dit à ce sujet : « Je voulais voyager et découvrir le monde. J’ai donc décidé, à 30 ans, de visiter Paris en 1997. C’était au départ un simple voyage touristique mais j’ai été charmé par la vie à la parisienne et j’ai décidé de rester ».

Ali donne plus de détails : « J’ai vécu dans l’illégalité durant 5 ans, le temps de régulariser ma situation et d’obtenir mes ‘‘papiers’’ ».

Une intégration difficile

Parlant de son intégration dans la société française, Ali lance avec amertume : « Vous savez, avec mes quelques années d’expérience et mon vécu, il y a une chose que j’ai appris : On ne peut pas être gagnant sur tous les plans. On doit faire des concessions si on veut changer de vie ».

Visiblement affecté, Ali rajoute : « J’avais une famille en Tunisie. Et malgré ça je suis venu dans ce pays étranger. C’était soit perdre sa femme et ses enfants soit perdre la France. On ne peut pas avoir les deux, c’est impossible ».

Ali continue : « Ici tu es un étranger. Tu es seul, tu travailles toute la journée, tu rentres chez toi et tu dois nettoyer, te faire à manger,…C’est pénible. C’est dur psychologiquement et physiquement surtout pour celui qui s’est marié en Tunisie et y a une famille ».

Ali nous lance sur un ton ironique : « Figurez-vous qu’après 27 ans de vie ici, je me sens encore étranger. Ce n’est pas chez moi ici, je le sais et on me le fait savoir tous les jours ».

Ali nous dit : « Même si tu essaies de t’habiller et de vivre à la française on te rappelle que tu es arabe à chaque contact avec l’administration. Avec des yeux ‘‘noirs charbon’’ comme les miens, ils savent que je suis arabe. Cette situation je la vis partout où je vais, dans les restaurants ou les salons de thé fréquentés par les ‘‘français’’ ».

« Heureusement que j’ai mes papiers. Je peux me défendre et faire valoir mes droits quand je subi une injustice ou carrément un acte raciste. Le tout dans le respect de la loi et du civisme bien sûr. Je sais quand s’arrête ma liberté et quand commence celle de l’autre. »,  commente Ali.

Une retraite tant attendue

En parlant de sa famille Ali raconte : « Je suis l’actualité tunisienne en continu. Je n’ai jamais coupé le cordon ombilical. J’envoies de l’argent toutes les semaines soit via une solution de transfert d’argent soit via des amis en déplacement en Tunisie pour éviter les frais exorbitants de transfert et de change ».

Ali continue : « Les sommes varient de 200 à 500 euros selon l’état de mes finances et l’argent demandé par la famille en Tunisie ».

Ali nous parle de ses plans d’avenir : « J’attends d’atteindre l’âge de la retraite pour rentrer en Tunisie et finir mes jours là-bas près des miens. J’ai buché toutes ses années pour avoir le droit à la retraite. Je ne peux pas abandonner maintenant. »

Des finances difficiles

Ali nous informe qu’il gagne entre  1 700 et 1 800 euros par mois.

Il nous dit à ce sujet : « Pour un célibataire, ce revenu est assez suffisant pour vivre. Par contre pour celui qui a une famille au ‘‘bled’’, c’est juste juste ‘‘Gad Gad’’. »

Ali envoie en moyenne 600 euros par mois à la famille.

Il lui reste 1 100 euros pour le loyer et les dépenses quotidiennes. Ali loue un appartement en banlieue parisienne pour 700 euros. Les 400 euros restants lui permettent tout juste de s’acheter de quoi manger et de s’habiller.

Ali nous informe qu’il fait son épicerie dans les marchés des quartiers populaires de Paris. Les prix des légumes et des fruits y sont moins chers que dans les commerces classiques et la grande distribution.

Ali nous parle de la flambée des prix : « L’inflation a commencé depuis le passage à l’euros. Tout est devenu plus cher sans aucune raison valable. Maintenant la guerre en Ukraine a donné une nouvelle opportunité aux spéculateurs pour flamber encore les prix ».

La décision d’immigrer

Parlant de son choix de vie, Ali fini par nous dire : « Si c’était à refaire je le referais. C’est sans aucun regret. J’ai bâti ma maison en Tunisie, j’ai acheté une belle voiture…. ».

Ali se reprend et précise : « Par contre si ma situation était bonne dans les années 90, je n’aurais jamais quitté la Tunisie. Vivre ici, à l’étranger, m’a démoli ! On bûche toute l’année pour quelques semaines de vacances en Tunisie. ».

Ali insiste pour lancer un message aux jeunes qui veulent immigrer : « Réfléchissez bien avant de quitter la Tunisie. La vie à l’étranger n’est pas un conte de fée. Je le dis en toute sincérité. Mon fils qui a immigré et vit en France l’a regretté. Il me dit souvent qu’il travaille depuis plusieurs années mais sa situation n’a pas changé. Il travaille, un point c’est tout ! ».

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Publié par
Tunisie Numérique