Economie

Note : La réglementation tunisienne ravive le fléau de la traite humaine…

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Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES) vient de publier une note intitulée « Refoulement par procuration : l’impact des politiques d’externalisation des frontières de l’UE sur les migrantes victimes de traite en Tunisie ».

Selon le FTDES, la traite humaine est un véritable enjeu en Tunisie et ses pays voisins, et elle est directement liée à la crise migratoire, puisqu’une grande partie des migrants qui tentent la traversée en méditerranée sont des victimes de traite. Par ailleurs, il existe plusieurs facteurs aggravants qui contribuent à la vulnérabilité à laquelle sont exposées les migrantes, en particulier.

Premièrement, le système juridique et le cadre social actuel de la Tunisie ne sont pas adaptés pour donner aux migrantes des conditions de vie sûres et stables. En effet, les lois en place actuellement ne sont pas efficaces lorsque mises en pratique. De plus, ces mêmes lois n’adressent pas certaines problématiques incluses dans l’enjeu de la traite humaine, telles que l’accès aux soins de santé et les normes minimales de travail, qui se doivent d’être adressées.

D’autres mesures mises en place, telles que les amendes et pénalités en ce qui concerne le statut d’immigration, n’ont pas les effets désirés et ne peuvent décourager les migrantes en milieu informel à fuir leur employeur. En raison des défaillances dans la législation Tunisienne, il n’est pas en conclure que la Tunisie ne peut présentement être considérée comme un tiers pays sur par l’UE.

Deuxièmement, la traite humaine est un enjeu qui s’étend au-delà des frontières tunisiennes. Le processus de traite débute, d’après le forum, dans le pays d’origine des migrantes, lorsqu’elles sont recrutées, puis se poursuit en arrivant sur le sol européen lorsque ces mêmes migrantes tentent de fuir leur situation en Tunisie. Elles sont alors une fois de plus disproportionnellement vulnérables à l’exploitation des réseaux criminels.

On indique, en outre, que la traite des migrants ne peut être cadrée dans une perspective transnationale, qui ne doit pas simplement être adressée par la Tunisie, mais également par les autres pays touchés par le processus de traite. En élargissant la perspective face à l’enjeu, on est ainsi mieux outillés afin d’élaborer des pistes de solutions et une stratégie migratoire ciblées et efficientes.

En 2016, la Tunisie a adopté une loi destinée à lutter contre la traite humaine : la loi organique 2016-6133. La simple adoption d’une telle loi est un premier pas important dans cette lutte. Toutefois, un rapport, produit conjointement par le FTDES et Avocats sans frontières entre autres, conclut que le système de justice tunisien actuel n’est pas en mesure de l’appliquer adéquatement.

Qui plus est, la loi comporte certains vides juridiques qui se doivent d’être adressés afin de lutter contre la traite efficacement. Outre cette loi, plusieurs autres lois et politiques tunisiennes ont pour effet d’accroitre la vulnérabilité des migrantes et de les décourager en milieu informel de fuir leur employeur.

La Loi organique définit le crime de traite des personnes et prévoit une approche stratégique sur quatre axes, soit la prévention, la protection des victimes, la poursuite des criminels et la coordination entre les acteurs de la lutte contre la traite.

Toutefois, malgré l’existence de cette loi, son application ainsi que les pratiques courantes des tribunaux font en sorte que la traite n’est pas adéquatement adressée. Il importe de reconnaitre qu’entre 2014 et 2018, le nombre d’enquêtes a augmenté de 1296% et le nombre de victimes identifiées et passé de 59 à 780, donc 40,5% étaient des Ivoiriens, souligne le FTDES.

On note qu’il faut cependant être prudent au titre de l’analyse de ces statistiques, car le nombre d’enquêtes ne reflète pas le nombre de dossiers qui se rendent devant les tribunaux. Plusieurs facteurs, tels qu’une application inadéquate de la loi organique et un faible niveau de connaissance générale par rapport à la traite, sont responsables de l’échec de ces dossiers.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek