Six ans après la sortie de UN FILS, Mehdi Barsaoui revient avec AICHA, son deuxième long-métrage.
Le film a déjà entamé sa carrière à l’internationale : une sélection au festival de Venise en septembre 2024, une sélection au Redsea en décembre 2024 et dernièrement une sélection aux journées cinématographiques de Carthage avec le prix du meilleur montage.
AICHA est une fiction inspirée d’une histoire vraie qu’avait connu la Tunisie après la révolution. Aya Dhaoui, jouée par Fatma Sfar, âgée de la vingtaine, mène une vie sans aucun goût : elle travaille comme femme de ménage dans un hôtel à Tozeur et vit avec ses parents. Un jour, le minibus dans lequel elle fait quotidiennement la navette entre sa ville et l’hôtel s’écrase. Aya est la seule survivante de l’accident, elle réalise que c’est peut-être sa chance pour commencer une nouvelle vie. Elle se réfugie à Tunis, une ville dont elle rêvait depuis longtemps, sous une nouvelle identité… mais la voilà impliquer dans une affaire policière.
En cela, le film est porté par la thématique de la justice.
Pour Aya, l’enjeu de cette justice est énorme. La vérité est difficile à révéler, mais à travers un dilemme moral et une intégrité insoupçonnée, le film entend montrer la force et la résilience de Aya avec un acting maîtrisé et juste, sans prétention.
Avec AICHA, Mehdi Barsaoui franchit un nouveau cap en mettant en scène une histoire extrêmement délicate, ayant plusieurs trajectoires narratives avec une sensibilité humaine. D’une vie qui bascule vers l’inconnu à une enquête policière d’un meurtre menée par Fares, joué par Nidhal Saadi, en passant par une fausse amitié entre Aya et Lobna, jouée par Yasmine Dimassi; la protagoniste mène un combat de principe et de survie. Même si je reproche à ce film un casting « préinstallé » : celui d’accompagner Fatma Sfar de Yasmine Dimassi et Hela Ayed, ce film peut se voir comme un drame personnel et une pure affaire de meurtre. Ainsi, le réalisateur se rapproche de certains beaux récits du cinéma iranien, type Les enfants de belle ville de Asghar Farhadi, Un homme intègre de Mohammad Rasoulof, qui optent pour un traitement cinématographique simple, épuré, sans aucun artifice, tout en prenant le temps de construire une émotion profonde qui décharge, quelque part, le spectateur. Contrairement à UN FILS, où le drame prend forme dans un espace fermé, dans AICHA, le grand Tunis, l’espace ouvert, témoigne de la douleur de Aya. La séquence où elle cherche à apprécier « la vue » de la capitale (tounes) témoigne que la jeune fille vit le moment le plus crucial de son existence : un moment qui sera décisif dans sa transformation silencieuse mais frappante sans la voir se noyer dans un effondrement psychologique. De là, naîtra une alliance inattendue entre Fares et Aya. Il n’y a pas de sentimentalisme dans ce suspens, il y a un combat noble, il y a une vérité à chercher et un ordre à rétablir.
Mehdi Barsaoui signe un film posé, épuré dans l’esthétique et la technique. Il travaille son crescendo dramatique de manière réfléchie et simple et ne laisse pas le spectateur indifférent. Le réalisateur fait de la justice un drame haletant, un film sensible et libre.
Vous me diriez et AICHA dans tout cela ? Allez voir ce film ! Tounes vous dira qui est AICHA.
Henda Haouala
Maître de conférences en techniques audiovisuelles et cinéma
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