Papillon d’or est une introspection psychologique et féerique conjuguée au masculin. Le jeune Moez interprété par Mohamed Souissi, très à l’aise devant cette caméra portée et proche, immerge malgré lui dans un voyage intérieur, au fond de son âme dont lui seul connaît les codes et les lois. Pour les décrypter, Abdelhamid Bouchnak a dû naviguer tout au long de son film dans le sillage de plusieurs registres cinématographiques, ce qui n’est pas une affaire de tout repos pour le metteur en scène, malgré ça, il y arrive. Dans son second long-métrage, le réalisateur va encore plus loin et se permet de rêver sans gêne ni retenue, laissant libre cours à son imagination. Il manipule le temps et l’espace, les condense et les resserre pour intégrer son spectateur dans son récit et l’embarquer dans ce rêve, y parvient. Le spectateur est dépaysé mais s’identifie à l’exil psychologique de chaque personnage du film parce que Papillon d’or est une affaire à régler d’homme à homme, de père et fils, de douleur et de fascination. Abdelhamid Bouchnak nous démontre clairement que ses personnages sont tous dans la nuance des sentiments, il n’y a pas de bon ou de méchant, il y a des rêves incompris, des blessures, des frustrations, de l’amour et il y a le regard de l’autre. L’autre, c’est Fathi Haddaoui qui a oscillé tout au long du film entre jeunesse et vieillesse, brouillant la notion du temps par un jeu sublimement profond. Papillon d’or est un vortex de sensations visuelles (notamment celles des effets spéciaux) et sonores. D’un drame familial, Abdelhamid Bouchnak emmène le spectateur dans un univers à la fois réel et patent mais aussi magique et fantasmagorique en prenant même le soin de faire un clin d’œil au père du cinéma fantasmagorique, Georges Méliès.
C’est sûrement par peur de ne pas être compris qu’ Abdelhamid Bouchnak a cherché à expliquer l’issue de ce voyage. Il a élagué à la fin son matériau filmique avec quelques plans qui soulignent ce qui est déjà subtil et qui n’a pas besoin d’être expliqué. Peut-être qu’il a peur qu’on oublie, qui sait.
Ce film a le charme dégingandé de l’enfance, la subtilité fignolée de l’âge adulte et la fragilité délicate de la vieillesse.
Henda HAOUALA
Maître de conférences en techniques audiovisuelles et cinéma
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