Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES) vient de publier un rapport d’une mission de recherche sur la migration irrégulière entre Sfax, Zarzis et Medenine, intitulé « La Tunisie, porte de l’Afrique & frontière de l’Europe ».
Le rapport indique que la Tunisie, souvent décrite comme le seul pays des « printemps arabes » est aujourd’hui au centre de processus complexes qui font d’elle à la fois une terre de forte émigration et d’intense immigration. Selon le FTDES et alors qu’au moins 15.000 ressortissants tunisiens sont arrivés en Italie par la mer au cours des onze premiers mois de 2021, au moins 20.000 personnes originaires de pays subsahariens ont franchi les frontières de la Tunisie la même année.
Les départs vers l’Europe s’effectuent tout le long de la côte tunisienne, notamment à partir des îles Kerkennah, situées au large de Sfax, ville de transit et de triage de parcours, situées à seulement 120 km de Lampedusa, porte d’entrée de l’Italie. Plus au sud, à Zarzis, de nombreux tunisiens partent également, souligne le rapport tout en affirmant que sur fond d’une crise économique intense, les tunisiens vendent tout ce qu’ils ont et partent.
On assure, par ailleurs, que les personnes subsahariennes sont plus exposées au risque d’être victimes de fraude ou d’arnaques dans le contexte du processus de migration irrégulière.
Le nombre de personnes venant d’autres pays africains en Tunisie a augmenté de manière significative ces derniers temps, précise le FTDES ainsi le nombre de migrants à Sfax est estimé entre 10.000 et 12.000, la plupart d’entre eux venant de pays francophones comme la Côte d’Ivoire. Cette augmentation est liée à de plusieurs facteurs, dont la détérioration des conditions dans les pays d’origine et les conséquences de la pandémie mondiale : c’est notamment le cas pour les personnes arrivant par avion d’un des pays africains pour lesquels la Tunisie n’exige pas de visa.
Néanmoins, c’est surtout la détérioration des conditions en Libye, principal pays de transit vers l’Europe, qui a poussé autant de personnes à chercher refuge en Tunisie.
Le rapport du forum souligne que même le plus fondamental des droits, celui à la santé, est largement compromis pour les personnes migrantes en Tunisie. L’insertion scolaire des enfants sans adresse de résidence ni certificat de naissance reste une opération très laborieuse, et de nombreux mineurs sont privés d’opportunités de socialisation ainsi que d’éducation, observe-t-on.
Selon une note de l’European Tarining Foundation (ETF), la Tunisie a enregistré une augmentation d’environ 75% (de 465 000 à 813 000) de son stock d’émigration au cours de la période 1990-2019, bien que le pays ait connu des améliorations significatives en termes de conditions économiques – produit intérieur brut (PIB) en USD courants – au cours de cette période mais cela ne semble pas avoir été suffisant pour enrayer l’augmentation du solde migratoire négatif (immigration moins émigration) dans un contexte démographique caractérisé par la transition démographique et l’exode rural.
L’ETF affirme dans sa note que les principales destinations incluent l’Europe (près de 80 % du total, la France étant le premier pays de destination avec près de 50%), suivie dans une bien moindre mesure par les États-Unis d’Amérique (États-Unis) sachant qu’environ 20 000 étudiants tunisiens à l’étranger sont concentrés principalement en France et en Allemagne.
On note aussi que les envois de fonds ont également augmenté depuis le milieu des années 1990, atteignant 5,4 % du PIB en 2020. Les pourcentages de migrants masculins et féminins sont restés relativement stables ces 20 dernières années, mais avec une tendance à la hausse persistante de la migration des femmes depuis 1990 (atteignant 44,3 % du total des migrants).
Comme l’a révélé l’étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques, cette augmentation de la migration des femmes touche particulièrement les femmes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, martèle la note de l’EFT.
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