Le Parlement débat d’une réforme majeure du statut de la Banque centrale
Jeudi 10 avril 2025, la commission des finances et du budget de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a tenu une session d’écoute consacrée aux porteurs des deux propositions de loi n°06/2023 et n°70/2024 visant à réviser et compléter la loi organique n°35-2016 fixant le statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Vers un rôle plus actif du BCT dans le financement de l’État
Les représentants de la première initiative (n°06/2023) ont plaidé pour un changement de paradigme : permettre à la BCT de financer directement la Trésorerie de l’État tunisien dans un cadre strict, tant sur le plan temporel que quantitatif. Selon eux, le recours systématique aux banques commerciales pour le financement interne a détourné ces établissements de leur vocation économique, tout en générant des charges supplémentaires pour l’État.
Parmi les propositions, la révision de l’article 10 pour autoriser l’achat de bons du Trésor par la BCT, et l’article 25 pour permettre un financement direct avec plafonnement temporel et budgétaire.
Le projet suggère également de confier la nomination du gouverneur de la BCT au président de la République, en conformité avec la Constitution du 25 juillet.
Une réforme intégrée à la nouvelle vision constitutionnelle
La seconde initiative (n°70/2024) vise une refonte plus large, avec la révision de 11 articles de la loi de 2016, et l’ajout de 3 dispositions transitoires. Elle ambitionne une harmonisation avec les exigences de la nouvelle Constitution, tout en fixant des garde-fous clairs pour l’implication du BCT dans le financement de l’État.
Les porteurs de cette proposition estiment que l’interdiction actuelle pour la BCT de financer directement le budget (article 25 al. 4) a coûté cher à la Tunisie : charges de la dette, dépendance accrue à l’emprunt extérieur, et stagnation économique. Le nouveau cadre permettrait d’endiguer l’inflation et de relancer l’investissement.
Un schéma monétaire alternatif proposé
Les mesures techniques proposées incluent :
L’achat par la BCT de titres d’État détenus par les banques, avec une baisse du taux d’intérêt à 1 %.
Le financement du service de la dette extérieure via les réserves en devises.
L’émission d’obligations internes par la BCT au profit de la Trésorerie.
Des facilités de financement à court terme à un taux plafonné de 1 %, dans une limite de 5 % des importations de l’année précédente.
Vers une version unifiée du projet de réforme
Face à l’importance du sujet, les députés ont unanimement demandé l’élaboration d’un texte législatif unifié, combinant les deux propositions. Certains élus ont regretté l’absence d’une approche plus politique ou “révolutionnaire” dans la philosophie des textes proposés, estimant que la réforme devrait refléter une vision d’avenir au service des générations futures.
Un consensus en cours de construction
En réponse, les auteurs des propositions ont affirmé que les textes résultent de consultations avec des experts économiques et financiers. Ils insistent sur l’impératif d’une coordination étroite entre politique monétaire et politique budgétaire, avec des garde-fous importants pour éviter les dérives inflationnistes. Ils ont également souligné que les divergences entre les deux textes sont techniques et non fondamentales, en particulier sur les mécanismes de plafonnement.
La commission a conclu ses travaux en chargeant les deux parties d’élaborer une version harmonisée du projet de loi, qui sera soumise à une nouvelle session d’examen.
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