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Sahara occidental : 2e déroute pour Rabat et elle fera mal, les gros intérêts de l’UE en Algérie pèsent lourd

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Colère froide pour le Maroc en octobre 2024 quand la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a retoqué les accords agricole et de pêche entre le royaume et l’Union européenne (UE). Rabat avait fait comprendre diplomatiquement à ses partenaires européens qu’il attendait autre chose que ce qui de toute évidence est un camouflet pour Sa Majesté Mohammed VI. En novembre dernier le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, est revenu sur ce dossier et très diplomatiquement il a redit qu’il faudra choisir entre le royaume, avec tout ce qu’il a à offrir à l’UE et le morceau de territoire âprement disputé par les indépendantistes du Polisario. C’est tout vu, l’Europe refuse de choisir entre le Maroc et les Sahraouis, surtout que derrière ces derniers il y a l’Algérie…

Après la déroute à la CJUE Rabat encaisse un deuxième revers en quelques mois sur le Sahara occidental. Cette fois le tir est venu de la Commission européenne, pilotée par l’intraitable Allemande Ursula von der Leyen. Elle a rendu son verdict : les accords aériens qui lient l’UE et le Maroc «n’incluent pas le Sahara Occidental». Donc en l’état l’espace aérien du territoire demeure sous souveraineté espagnole, 50 ans après le retrait de l’ancienne puissance coloniale.

Rappelons qu’en mars 2023, à la faveur des relations privilégiées entre Rabat et Madrid, les autorités marocaines avaient forcé la main de l’Espagne pour récupérer la gestion de cet espace, ce qui de fait serait une victoire diplomatique pour le roi Mohammed VI. Pour le moment c’est le statu quo. La mise au point a été faite par le commissaire européen aux Transports et au Tourisme durable, Apóstolos Tzitzikóstas…

«Le 3 décembre 2024, lors de la réunion du Forum consultatif sur la politique extérieure de l’UE en matière d’aviation, la Commission a informé les transporteurs de l’UE que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’accord aérien euro-méditerranéen entre l’UE et le Maroc ne s’applique pas aux liaisons aériennes au départ du territoire d’un État membre de l’UE vers le territoire du Sahara occidental», a répliqué le commissaire à la question d’un parlementaire européen.

Bruxelles s’appuie sur un arrêt de la CJUE prononcé le 30 novembre 2018, le texte indique que le territoire marocain correspond «à la zone sur laquelle le Royaume du Maroc exerce la gamme complète des pouvoirs reconnus aux entités souveraines par le droit international, à l’exclusion de tout autre territoire tel que celui du Sahara Occidental».

«Ce que ça va changer, parce que ça peut entrer en vigueur immédiatement, c’est que les compagnies aériennes vont aller jusqu’à un aéroport au Maroc et ensuite le transfert va se faire avec une compagnie marocaine et donc effectivement, c’est beaucoup plus compliqué», a confié à la radio française RTL Khadija Mohsen-Finan, politologue spécialiste du Sahara occidental.

Des compagnies aériennes européennes telles que Transavia (filiale d’Air France) et Ryanair (compagnie britannique) font des navettes entre l’Europe et la ville de Dakhla au Sahara occidental. Légalement elles ne peuvent le faire qu’avec l’autorisation du front Polisario. Le rappel à l’ordre de la Commission européenne est un avertissement en direction de ces compagnies : Elles risquent des poursuites judiciaires de la part des indépendantistes en cas de violation des dispositions réglementaires.

«La Cour considère qu’inclure le Sahara dans le Maroc enfreint les règles du droit international parce que le principe d’autodétermination qui figure dans l’article 1 de la Charte des Nations Unies n’est pas respecté», a ajouté Mme Mohsen-Finan. Même la Commission européenne ne peut pas outrepasser les décisions de la CJUE, souveraines par définition, tout le monde est tenu de s’y plier. Donc le lobbying que fait le Maroc auprès des Etats-membres de l’UE ne sert strictement à rien.

Et la décision de justice va loin : d’après le site espagnol Okdiario même les avions militaires marocains qui volent dans la zone sont régis par les autorités espagnoles, dont le commandement est logé aux îles Canaries. Mais voilà, les appareils militaires marocains «ne communiquent pas toujours leurs activités», ont admis les contrôleurs aériens, cités par le média espagnol.

Mais il y a un autre élément que passe sous silence la Commission : le spectre de l’Algérie dans les prises de décision européennes. En effet Alger a imposé à l’UE une renégociation de l’Accord d’association et le moins qu’on puisse dire est que les Européens ne sont pas à leur avantage. L’Algérie est un immense marché pour la production européenne et un gros pourvoyeur de contrats. Tout ça fait réfléchir…

Rabat s’est dit qu’après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et les retombées spectaculaires l’UE allait prendre la même direction. Paris ce n’est pas l’Europe, en l’occurrence la Commission défend les intérêts de tous les Européens et ils pèsent lourd en Algérie, qui est par ailleurs le premier fournisseur de l’UE en gaz depuis octobre 2024. Le Maroc a minoré cette donne.

 

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