Le Sahara occidental, on le sait, est la pierre angulaire de la diplomatie marocaine ; c’est sur ce gros dossier que le souverain Mohammed VI étalonne la qualité de ses liens avec ses partenaires. La reconnaissance par le président Donald Trump de la souveraineté marocaine sur ce territoire litigieux a été un formidable accélérateur pour Rabat depuis 2020. Depuis cette date d’autres pays sont tombés dans l’escarcelle du Maroc, même si la plus grosse prise est sans doute la France. Tout ce que le royaume avait à faire pour garder les faveurs de Washington c’était normaliser ses relations avec Israël, ce que d’ailleurs les Marocains font avec beaucoup d’abnégation, quel que soit le coût pour les autorités auprès de l’opinion publique. Mais ça pourrait aussi coincer prochainement à la Maison-Blanche.
Les mêmes raisons qui avaient fait que le président américain avait foncé en 2020 feront qu’il rétropédale sur le dossier du Sahara occidental : les intérêts stratégiques suprêmes des USA. Le Haut-conseiller de Trump pour le Moyen-Orient, Massad Boulos, sera prochainement en Algérie et au Maroc. L’information a été révélée lors d’un entretien avec la chaîne saoudienne “Al Hadath”. Officiellement son déplacement est motivé par des questions régionales mais il s’agira surtout de rééquilibrer la position de Washington sur le dossier du Sahara occidental.
Massad Boulos a préfiguré ce revirement en déclarant qu’il oeuvrera pour une solution négociée à ce conflit vieux de plusieurs décennies, une voie médiane «acceptable pour les deux parties». Quand il dit «les deux parties» il parle de Rabat et des indépendantistes du Front Polisario mais il parle aussi du 3e acteur derrière les Sahraouis, l’Algérie. Cette dernière avait vivement protesté quand l’administration Trump a réaffirmé son appui au Plan marocain sur le Sahara occidental…
Le régime marocain s’était enhardi en concluant que cette affaire est définitivement scellée, c’était sans compter sur le lobbying de la diplomatie algérienne. Alger est devenu un ténor dans ce domaine et a même terrassé Rabat dernièrement lors des élections à la Commission de l’Union africaine. Il faut croire que le même arsenal s’est activé dans les coulisses pour convaincre Washington qu’il faut tourner casaque sur l’affaire du Sahara occidental.
Il fallait s’y attendre avec la tournure prise par le dialogue avec Alger dès les premiers pas de la nouvelle administration américaine. En effet le tout premier accord de défense en Afrique a été scellé avec l’Algérie et c’est cette dernière qui a reçu le tout premier coup de fil du secrétaire d’Etat Marco Rubio. Inéluctablement d’autres développements allaient suivre, et vu la place centrale du Sahara occidental forcément Alger allait le mettre en haut de l’agenda avec les USA.
Boulos a insisté sur la solidité des relations entre les États-Unis et l’Algérie, qu’il a qualifiée de «pays ami». Il a ajouté que Washington veut bâtir un partenariat stable et productif, malgré quelques divergences dans certains dossiers régionaux. Il est d’avis qu’Alger pourrait valider une solution politique à condition qu’elle soit acceptée par le Front Polisario. Cette précision acte la place très spéciale du pouvoir algérien dans cette affaire, au grand dam du voisin, le Maroc.
Le conseiller de Trump a martelé que le président américain avait «laissé la porte ouverte au dialogue», ce qui est indéniablement une pirouette par rapport au contenu des Accords d’Abraham paraphés en 2020. Le républicain s’est souvenu que d’autres grands acteurs, la Chine et la Russie, rôdent du côté de l’Algérie et tissent déjà leurs toiles. Pas question de laisser filer le gros morceau, alors Trump se dédit, comme il le fait sur les droits de douane. Rabat ne va pas aimer mais le républicain n’en a cure.
Quand Washington a basculé du côté de Rabat Alger n’a pas coupé les ponts diplomatiques avec les USA, comme il l’a fait avec Paris. Mais en même temps les Américains savent qu’il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, ils savant que les Algériens sont courtisés et qu’ils ne manquent pas d’alternatives. Quand les USA ont validé la vente des missiles FIM-92K Stinger au Maroc ils ont souligné qu’ils «amélioreront la capacité du Maroc à faire face aux menaces actuelles et futures sans modifier l’équilibre militaire de base dans la région». Tout est là.
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