Pour un événement c’en est un, historique même à bien des égards, à mille lieues de la romance retrouvée entre la France et le Maroc, des noces que le président Emmanuel Macron et le roi Mohammed VI s’apprêtent à célébrer à la fin de ce mois, dans le cadre d’une visite d’Etat. Il faut croire que la Justice européenne est complètement insensible à cette nouvelle donne géopolitique que Paris appelait de ses voeux depuis des années. La Cour de justice de l’Union européenne (UE) a donné raison ce vendredi 4 octobre au peuple du Sahara occidental…
La haute juridiction confirme que les accords de pêche et d’agriculture paraphés en 2019 par l’UE et le Maroc auraient dû “obtenir le consentement du peuple du Sahara occidental” et que ce consentement “n’existe pas“. La Cour a donné 12 mois à l’UE et à Rabat pour se conformer au verdict agricole, autrement elles essuieront “des conséquences négatives graves sur les activités extérieures de l’Union“.
Plus grave encore pour le royaume : Cet arrêt fait du Front Polisario, qui est le porte-voix du mouvement indépendantiste sahraoui, la personne morale ayant le droit de contester ces accords commerciaux sur la pêche et l’agriculture, étant donné que ces activités commerciales se déroulent sur le territoire du Sahara Occidental.
A noter que ce jugement définitif de la Cour de justice européenne intervient après que la Commission et le Conseil ont introduit un recours en 2021 contre l’arrêt du Tribunal, lequel avait déjà tranché en faveur du Front Polisario, qui a traîné les deux parties devant les tribunaux.
Avec le sabrage de l’accord de pêche le Maroc pourrait dire Adieu aux 52 millions d’euros par an qu’il était censé toucher durant 4 ans, en échange de l’autorisation accordée à 128 bateaux de pêche européens, principalement espagnols, dans les eaux au large de la côte ouest de l’Afrique. L’arrêt européen fera mal en Espagne, surtout pour les flottes d’Andalousie, des îles Canaries et de Galice.
Pour le souverain marocain c’est un vrai camouflet, lui qui a fait du Sahara occidental la colonne vertébrale de sa diplomatie, comme la Chine a fait de Taïwan le centre de gravité de ses relations avec l’extérieur, au point d’obliger ses partenaires à rompre tout lien avec l’île indépendantiste. Pour la France aussi c’est un revers, elle qui a mis tous ses oeufs dans le panier marocain, en prenant fait et cause pour le Plan d’autonomie du Sahara occidental brandi par Rabat…
Ce que dit cet arrêt c’est que ce territoire est de fait autonome, contrairement à l’argumentaire des amis du Maroc qui soutient le contraire. On en est là. De toute évidence la portée symbolique du jugement de la Cour européenne est très forte et elle va bien au-delà des considérations sur le poisson pêché en mer sahraouie. L’Algérie, premier soutien du Front polisario, tient sa revanche. Cet arrêt fera date et il faut s’attendre à des développements dans les autres instances internationales.
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