Une crise politique sans précédent a frappé la scène politique tunisienne. Onze nouveaux ministres attendent depuis plus de deux semaines une invitation du président de la République, Kais Saied, pour prêter le serment constitutionnel afin d’assumer leurs fonctions.
Le président de la République a refusé le remaniement et a persisté, à moins que le Chef du gouvernement abandonne 4 ministres soupçonnés de corruption. D’un autre côté, Hichem Mechichi s’accroche à toute sa nouvelle équipe gouvernementale.
Face à cette impasse, il y a eu des appels d’une part, à la destitution du président de la République et d’autre part des observateurs estiment que la démission du Chef du gouvernement est la solution épargnant au pays une crise plus grave.
Il faut également noter ici que le président de la République a proposé hier, soit le retrait des ministres soupçonnés de corruption afin d’adopter le remaniement, soit la démission de Mechichi.
Une situation politique complexe et des failles constitutionnelles ont ouvert la voie à l’interprétation.
Destitution du président de la République
Le professeur de droit constitutionnel, Salsabil Klibi a déclaré le 11 février 2021 à Tunisienumérique qu’il est hors de question de limoger le président de la République.
“Les députés peuvent signer une motion de censure de 109 voix pour destituer le président de la République, mais la motion n’a aucune valeur, considérant qu’elle doit être soumise exclusivement à l’Ia Cour Constitutionnelle, qui n’a pas encore été instaurée”, a-t-elle indiqué
En outre, l’article 88 de la constitution tunisienne stipule que l’adaptation juridique des actions du président et de ses décisions appartiennent exclusivement à l’Instance Constitutionnelle.
Elle est la seule, légalement habilitée à déterminer les actions du Président de la République et si elle estime qu’il a commis une infraction grave, elle émet un ordre de révocation.
Compte tenu de l’absence d’une Instance Constitutionnelle en Tunisie, cette hypothèse n’est pas du tout envisageable.
La démission du Chef du gouvernement
Klibi a indiqué que le président de la République, Kais Saied est entrain de pousser Hichem Mechichi à démissionner: un fait évident, notamment dans ses propos lors de son entretien avec un groupe de députés hier. Cette pression est justifiée par le fait que “légalement, Saied ne peut pas limoger Mechichi”.
Notre interlocutrice, a affirmé que la démission de Hichem Mechichi, dans la situation actuelle de discorde entre les deux dirigeants, pourrait être la solution.
Elle a ajouté que sa démission confirme qu’il a pris en considération l’intérêt de la Tunisie d’une manière responsable.
Et après la démission de Hichem Mechichi?
“Dans ce cas, on se réfère à l’article 89 de la Constitution, qui stipule que le Président de la République procède à nouveau à des consultations avec tous les blocs représentés au Parlement puis désigne la personne la plus apte à former un gouvernement”, a-t-elle précisé
“La personnalité désignée formera son équipe gouvernementale, puis se rendra au Parlement pour gagner sa confiance. Simultanément, Hichem Mechichi poursuit ses fonctions jusqu’à ce que le nouveau gouvernement assume la sienne”, a-t-elle poursuivi.
Salsabil a averti qu’au cas où “le parlement refuserait de voter le gouvernement ou ne lui accorderait pas confiance, la Tunisie est confrontée au scénario de la dissolution du Parlement et de la tenue d’élections anticipées”.
L’Assemblée des Représentants du Peuple peut également retirer la confiance du Chef du gouvernement.
En effet, la destitution de ce dernier ne se limite pas à une seule prémisse et à la présentation de sa démission en personne, car le Parlement est capable de soumettre une motion de censure pour retirer la confiance de Mechichi, signée par 109 députés au minimum.
Dans ce cas, le Parlement doit présenter une nouvelle personnalité pour former un gouvernement pendant la même session de retrait de confiance du chef du gouvernement actuel.
Cependant, cette hypothèse est très improbable et même le président du Parlement, Rached Ghannouchi a estimé que la démission du Chef du gouvernement était “peu probable”.
Face à la situation tendue et au conflit au Parlement, Ghannouchi ne garantira pas le passage du nouveau gouvernement, et donc sa ruse politique ne l’entrainerait pas dans une impasse qui pourrait lui coûter la présidence du parlement.
Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires