Immobilier

TMM et crédits immobiliers : faut-il repenser la protection des emprunteurs tunisiens ?

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Une baisse du taux directeur, mais des mensualités toujours lourdes

Ce mardi 26 mars 2025, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a annoncé une réduction de son taux directeur de 8 % à 7,5 %, marquant ainsi une inflexion dans sa politique monétaire.

Si cette décision répond à un recul progressif de l’inflation, estimée à 5,7 % en février, elle reste insuffisante pour alléger la pression financière sur les ménages, notamment ceux engagés dans des crédits immobiliers à taux variable.

Des emprunteurs confrontés à un écart de 432 dinars par mois

Prenons le cas d’un couple tunisien ayant souscrit un crédit immobilier en janvier 2018, lorsque le Taux Moyen du Marché Monétaire (TMM) était d’environ 5,5 %. Leur tableau d’amortissement prévoyait une mensualité de 2 880 TND, sur une période de 15 ans. Sept ans plus tard, avec un TMM ayant atteint 7,99 % en février 2025, leur mensualité s’est envolée à 3 312 TND.

Soit 432 dinars de plus chaque mois, pour le même appartement, sans renégociation ni nouvelle dette. Sur une année, cela représente plus de 5 000 TND de surcharge, une somme significative dans un contexte économique où les revenus restent relativement stables.

Quand le tableau d’amortissement devient un document trompeur

Ce que vivent ces ménages soulève une question de fond sur la transparence contractuelle. Au moment de la signature, l’emprunteur reçoit un tableau d’amortissement détaillé, mentionnant les échéances mensuelles sur toute la durée du prêt. Pour beaucoup, ce document a valeur de repère budgétaire et fonde leur décision d’achat.

Or, dans le cas d’un crédit à taux variable indexé sur le TMM, ces montants sont susceptibles d’évoluer fortement en fonction des décisions de la Banque Centrale. Cette évolution est certes prévue dans les clauses contractuelles, mais souvent mal expliquée, mal comprise, voire sous-estimée par les emprunteurs.

Résultat : une hausse de plusieurs centaines de dinars mensuels, ressentie comme une injustice, surtout lorsque le logement en question est une résidence principale, et non un bien d’investissement.

Une asymétrie de pouvoir et d’information

Ce décalage entre engagement initial et charge réelle s’inscrit dans une asymétrie d’information entre les banques et les emprunteurs. Les premières maîtrisent parfaitement les subtilités du TMM, de la capitalisation et des taux effectifs globaux. Les seconds, souvent de bonne foi, signent des contrats complexes sans en percevoir tous les risques.

Dans ce contexte, la récente baisse du taux directeur à 7,5 % est certes bienvenue, mais trop timide pour compenser les hausses accumulées depuis 2018.

BCT : Quelles alternatives pour protéger les familles tunisiennes ?

Plusieurs pistes existent pour rendre le crédit immobilier plus équitable et soutenable :

  • Plafonner le TMM appliqué aux crédits immobiliers à usage résidentiel, par exemple à 5 %.

  • Permettre la renégociation gratuite des crédits anciens, notamment pour les emprunteurs engagés avant 2020.

  • Créer des produits bancaires à taux mixte : taux fixe les premières années, puis variable plafonné.

  • Instaurer un fonds de compensation pour prendre en charge partiellement le différentiel en cas de hausse excessive du TMM.

  • Améliorer la transparence à la signature du contrat : simulateur officiel, clause d’alerte sur les risques de variation, accompagnement pédagogique.

Un appel à repenser le crédit immobilier en Tunisie

Le cas de ce couple n’est pas isolé. Des milliers de familles tunisiennes, engagées dans des crédits de longue durée, voient leur pouvoir d’achat rogné mois après mois par un mécanisme monétaire qu’elles ne maîtrisent pas.

Dans un pays où l’accès au logement est un pilier de stabilité sociale, le crédit ne peut pas devenir une source d’instabilité.

Les autorités monétaires, les banques commerciales et le législateur doivent aujourd’hui se pencher sur ce déséquilibre structurel, afin de mieux protéger les foyers et restaurer la confiance dans le système financier.

La réduction du taux directeur ne doit pas être une mesure isolée, mais le début d’une réforme en profondeur du financement de l’habitat, adaptée aux réalités tunisiennes et aux attentes légitimes des citoyens.

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