Economie

USA – Panama : un accord militaire stratégique qui ravive les tensions

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Les États-Unis et le Panama ont conclu un accord de coopération militaire permettant le déploiement de troupes américaines aux abords du canal de Panama. Signé cette semaine par le secrétaire à la Défense américain Pete Hegseth et le ministre panaméen Frank Abrego, cet accord, d’une durée de trois ans renouvelable, accorde aux forces américaines – y compris à des sociétés militaires privées – l’autorisation d’utiliser certaines installations pour des entraînements, des missions humanitaires et des exercices conjoints.

Le document stipule que les infrastructures concernées resteront propriété de l’État panaméen et devront faire l’objet d’une « utilisation conjointe ». Toutefois, la seule idée d’un retour militaire américain a ravivé des souvenirs douloureux dans l’opinion panaméenne, marqués par des décennies de présence militaire américaine avant la rétrocession du canal en 1999.

Des ambitions stratégiques américaines renforcées

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a placé le canal du Panama au cœur de sa stratégie régionale. Sa volonté affichée de « récupérer » le canal s’inscrit dans une logique de confrontation avec l’influence croissante de la Chine en Amérique latine. Ce jeudi, le ministre américain de la Défense s’est félicité d’un « retour stratégique des États-Unis », évoquant même la formule : « Nous sommes en train de récupérer le canal. La Chine avait trop d’influence. »

Washington s’inquiète en particulier de la présence de la société Panama Ports Company (PPC), filiale d’un conglomérat hongkongais, qui gère les ports situés de part et d’autre du canal. Sous pression de la Maison Blanche, les autorités panaméennes ont remis en cause la conformité des engagements contractuels de la société asiatique, l’incitant à se retirer.

En mars, PPC a ainsi accepté de céder ses actifs – dont ses deux ports sur le canal – dans le cadre d’un accord de 19 milliards de dollars avec un consortium piloté par BlackRock, géant américain de l’investissement. Une opération immédiatement contestée par Pékin, qui a promis de soumettre la vente à un examen approfondi de ses autorités antitrust.

Malaise politique et rejet populaire

Bien que le président panaméen Jose Raul Mulino ait refusé la réouverture de bases militaires ou la cession de territoires, la signature de cet accord a été perçue comme une atteinte à la souveraineté nationale. « Ce canal est et restera panaméen », a-t-il martelé depuis Lima, au Pérou.

Le climat est d’autant plus tendu que la version anglaise du communiqué conjoint publié par Washington ne mentionnait pas la souveraineté inaliénable du Panama sur le canal. Le gouvernement panaméen a réclamé une correction immédiate.

Cette ambiguïté a déclenché une vague d’indignation. Le syndicaliste Saúl Méndez a dénoncé « une trahison » et appelé à des poursuites contre les responsables de l’accord. « Ce que le gouvernement panaméen a fait est un acte de trahison », a-t-il affirmé à l’AFP.

Un canal au cœur de l’économie mondiale

Le canal du Panama reste une artère vitale du commerce mondial. En 2024, il représentait 5 % du commerce planétaire et 40 % du trafic de conteneurs des États-Unis. Pourtant, l’arrivée d’une présence militaire durable – même partagée – pourrait accentuer la polarisation géopolitique autour de cette voie maritime.

L’opposition panaméenne craint que le pays ne redevienne un pion dans les rivalités entre grandes puissances. La Chine, écartée du canal, pourrait renforcer sa présence dans d’autres corridors stratégiques, notamment en Afrique et en Asie.

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