Economie

USA – Trump freine la fiscalité sur les multinationales et les grandes fortunes

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Dans un climat tendu de guerre commerciale et de bouleversements géopolitiques, l’administration Trump semble ralentir voire bloquer les efforts de la communauté internationale pour instaurer une fiscalité équitable sur les multinationales du numérique et les grandes fortunes.

Le retrait des États-Unis de plusieurs accords et les menaces tarifaires proférées à l’encontre des pays européens soulignent une volonté assumée de protéger les intérêts économiques américains, quitte à rompre les consensus fiscaux mondiaux.

Menace sur la taxation des géants technologiques

Le président américain Donald Trump a récemment intensifié sa pression sur les pays imposant des taxes sur les géants technologiques américains, à l’instar d’Amazon, Google (Alphabet), Microsoft ou Meta. Le 21 février dernier, il a menacé de sanctions douanières tout pays qu’il accuse d’imposer des mesures « discriminatoires » contre ces entreprises. Ces mesures, selon lui, visent à favoriser des acteurs locaux aux dépens des sociétés américaines, ce qui justifie des représailles commerciales.

En 2019, la France avait déjà été visée après l’instauration d’une taxe sur les services numériques, à laquelle sept autres pays ont depuis adhéré. Cette taxe a rapporté 780 millions d’euros en 2023 à Paris. Aujourd’hui, l’Union européenne envisage une mesure similaire à l’échelle communautaire si les négociations échouent. Trump brandit en réponse la menace d’une taxe de 20 % sur les produits européens.

Le Royaume-Uni, pourtant désireux de renforcer ses liens économiques avec Washington, n’est pas épargné. Sa taxe numérique, qui génère 800 millions de livres sterling par an, est également dans le collimateur du président américain.

Blocage d’un accord mondial sur les entreprises

En 2021, quelque 140 pays avaient signé un accord sous l’égide de l’OCDE pour réformer la fiscalité internationale. Le « pilier 1 » de cet accord vise à faire payer les entreprises là où elles génèrent réellement leurs profits, réduisant ainsi le recours aux paradis fiscaux. Le « pilier 2 » prévoit un impôt minimum mondial de 15 % sur les bénéfices.

Mais l’accord est aujourd’hui à l’arrêt. Même sous l’administration Biden, les négociations sur le pilier 1 ont été suspendues. Sous Trump, leur reprise semble peu probable. L’OCDE craint un effondrement du consensus, et le retour d’un dumping fiscal massif au profit des grandes multinationales.

Pour Gabriel Zucman, économiste franco-américain reconnu, « si l’Union européenne cède, l’accord s’effondre ». Le projet, selon lui, pourrait mourir si aucune réponse politique ferme ne vient des capitales européennes.

Une taxe sur les milliardaires à l’arrêt

Autre projet fragilisé par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche : l’instauration d’un impôt sur les grandes fortunes. Le Brésil, alors à la tête du G20, a proposé une taxe annuelle de 2 % sur les patrimoines dépassant un milliard de dollars. Cette mesure, qui pourrait générer jusqu’à 250 milliards de dollars par an, vise à réduire les inégalités économiques mondiales.

Les États-Unis, qui concentrent près d’un tiers des milliardaires de la planète, ont rejeté la proposition. Trump, milliardaire lui-même et partisan affiché de la baisse des impôts, ne soutiendra vraisemblablement aucune initiative allant dans ce sens.

Selon le classement Forbes, les États-Unis comptent à eux seuls plus de milliardaires que la Chine, l’Inde et l’Allemagne réunies.

Pour Thomas Piketty, économiste français et défenseur d’une fiscalité progressive mondiale, « il ne faut pas attendre un consensus du G20 ». Il appelle à des actions unilatérales fortes de la part des États volontaires, pour imposer un nouveau standard de justice fiscale à l’échelle globale.

Ainsi, alors que les inégalités explosent et que la mondialisation exacerbe les tensions fiscales, les ambitions internationales de régulation butent sur le mur du protectionnisme américain. La présidence Trump assume une politique de confrontation commerciale, y compris contre ses alliés historiques.

En matière de fiscalité, les géants américains et les grandes fortunes peuvent, pour l’instant, compter sur la Maison-Blanche pour défendre leurs intérêts — au détriment d’un projet mondial de justice fiscale qui semble de plus en plus illusoire.

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