Tout le monde savait, Donald Trump en premier, que dans la centaine de décrets signés par le président américain beaucoup ne dépasseront jamais le stade des voeux pieux, exactement comme lors de son premier mandat. Pas parce que le républicain n’a rien appris des revers de 2016-2020, c’est parce que, gonflé de certitudes, il a cru sérieusement que son éclatante victoire – en suffrages populaires et en grands électeurs – face à une très mauvaise candidate démocrate lui donnait droit à tout, même le droit de disposer de la vie de ses concitoyens. Il y a aussi certainement un peu de poker menteur dans toutes ces promesses folles sur sa capacité à mettre au pas tout un pays, le monde entier. A l’étranger la résistance s’organise et Washington en entendra parler. Aux USA aussi Trump enregistre ses premiers revers.
Les limites du populisme, il s’arrête à la porte des juges
La première déroute a été administrée par un juge fédéral, sur le dossier du Droit du sol, que le président s’est juré de réformer à marche forcée, en sachant pertinemment qu’il n’y a rien de plus difficile à faire bouger qu’une disposition constitutionnelle. Mais Trump, qui a expérimenté les bénéfices électoraux du populisme forcené, a foncé dans le tas. Mal lui en a pris, un magistrat l’a stoppé net. Le président américain en sait un rayon sur le pouvoir de ces “petits” juges, c’est cette corporation qui lui a collé l’étiquette de condamné juste avant qu’il revienne à la Maison Blanche…
Une autre juge fédérale a bloqué hier mardi 28 janvier une décision du républicain : Elle a suspendu le gel de plusieurs milliards de dollars d’aides publiques. C’est le deuxième revers du président américain en une semaine de règne, il y aura beaucoup d’autres déconvenues si Trump ne revoit pas sérieusement sa copie. Sauf qu’il n’a pas appris à écouter la voix de la raison, ce n’est pas dans son ADN. Il est rentré dans la politique dans le tard, il n’en a jamais appris les codes. En soi ce n’est pas une mauvaise chose, mais ça sert quand l’inflexion et le dialogue s’imposent.
Tout est parti d’un mémo émis lundi dernier tard dans la soirée, la Maison Blanche a demandé aux ministères et agences fédérales de figer une partie des dépenses «d’assistance», surtout les subventions et allocations. Le motif : il faut procéder à un examen général pour s’assurer que les dépenses cadrent avec «les priorités présidentielles». On parle de centaines voire des milliers de milliards de dollars pour faire tourner le pays. Bloqués net…
Une «mesure très responsable», a argué lors d’un point de presse la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt. Elle a pris soin de préciser que les programmes d’aide aux particuliers n’étaient touchés par cette suspension, citant l’exemple du système d’assurance maladie dédié aux seniors. Mais cela n’a en rien dégonflé la grogne. On ne sabre pas impunément les aides de dizaines de millions de personnes, fût-on Donald Trump et Elon Musk.
Alors les nombreux bénéficiaires, les ONG et organisations représentant les petites entreprises ont saisi le Tribunal fédéral de Washington, vu que le document présidentiel est «dénué de toute base juridique ou de la plus simple justification». Face au bien-fondé des arguments des plaignants la juge fédérale de Washington a ordonné dès mardi après-midi la suspension immédiate de la mesure. Elle se donne jusqu’au 3 février prochain pour passer à la loupe le décret présidentiel et la plainte déposée.
Plus tôt dans la même journée les procureurs généraux de Californie et de New York avaient «pris la tête d’une coalition de 23 procureurs généraux qui ont intenté une action en justice pour bloquer la mise en œuvre» de cette note, laquelle «menace de geler jusqu’à 3 000 milliards de dollars de financement de l’aide fédérale», avait dit dans un communiqué le ministère de la Justice de l’État de Californie.
Des victoires pour les démocrates, la prochaine élection a déjà commencé
A côté l’opposition démocrate est rapidement montée au front, fustigeant par la bouche du chef de la minorité démocrate au Sénat Chuck Schumer, une «décision illégale, dangereuse, destructrice, cruelle (…). C’est un braquage, réalisé à l’échelle nationale (…). Le président ne peut ignorer la loi, et nous combattrons cette initiative par tous les moyens». Quand on vous disait que la résistance intérieure s’organise, Trump avait tort de croire ou de faire croire qu’il aurait la partie facile.
Le mémo publié lundi soir ambitionnait «d’éliminer le poids financier de l’inflation sur les citoyens, mettre fin aux politiques woke et d’instrumentalisation de l’État». Le combat contre le «wokisme» est devenu un marqueur dans le camp conservateur, mais c’est surtout une obsession de Trump et de son ministre de l’Efficacité gouvernementale, qui ne pardonnera jamais à l’Education nationale d’avoir fermé les yeux sur le changement de genre de son garçon…
«Les Américains devraient se demander si c’est woke de financer la recherche contre le cancer ou la reconstruction d’un pont délabré», a dénoncé la sénatrice de l’État de Washington Patty Murray.
A noter que l’État fédéral a décaissé en 2024 plus de 3000 milliards de dollars à titre d’«assistance financière», dont des fonds pour les bourses, prêts, aides d’urgence en cas de catastrophe naturelle, comme en ce moment même à Los Angeles. Ces dépenses ont été validées par le Congrès.
Quand la Maison Blanche a annoncé le gel des aides ventilées à l’étranger – sauf Israël et l’Egypte – au motif qu’il faut s’assurer de leur conformité avec la politique de Trump il n’y a pas eu beaucoup de remous internes. Pour les aides dédiées aux citoyens américains et aux structures publiques c’est une toute autre histoire…
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